ECHOES 0F SWING “4 JOKERS IN THE PACK”
(EOSP 4505 2, www.echoes.of.swing.de)
Chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 566 (Novembre-Décembre 2007) p.21/22
Conga brava, Double talk, Royal garden blues, Lament for Javanette, Shirley steps out, Crêpe muzette, June in january, Impromptu, Tunisian trail, The clown Prince, Some other spring, Eggs and tried lies, Happy feet, l’ll get by, Rehearsin’ for a nervous breakdown, Dancers in love, Deep in the shed.
Quel disque épatant ! Et peu commun. Il y souffle la brise rafraîchissante de “l’esprit Kirby”. Je dis bien : l’esprit, car le est différent. Le jeu allègre, primesautier, l’entrelacement des solos et des ensembles, la formation réduite de quatre solistes qui “se renvoient la balle” et discourent avec verve, des arrangements séduisants, alertes, très fignolés, qui créent une atmosphère, un “son”... Mais il est temps que je vous présente les acteurs de ce théâtre sonore.
Echoes of Swing est donc un quartet composé de Colin Dawson (tp, voc), Chris Hopkins (as), Bernd Lhotzky (p) et Oliver Mewes (dr). Nous les connaissions déjà par les Bulletins 480, 502 et 527. Il ne s’agit pas ici de deux souffleurs accompagnés par piano et batterie mais de quatre instrumentistes au même niveau d’intervention. Seul le batteur me paraît un peu en retrait, est-ce l’enregistrement ? Je penche plutôt pour un excès de prudence ou de discrétion par rapport à ses collègues: il joue bien mais il faut tendre l’oreille parfois.
Hugues Panassié disait, parlant de l’orchestre Lunceford “qu’il se passait à chaque instant quelque chose de nouveau”. C’est le cas dans ce disque. Les arrangements sont pour la plupart dus à Dawson et à Hopkins, Lhotzky est responsable de trois d’entre eux, Mewes du titre 12. L’impression générale est une certaine unité dans la diversité : les thèmes choisis sont variés, originaux et, en fin d’audition, j’avais l’impression d’avoir entendu une grande pièce de 55 minutes dont les multiples facettes étaient les thèmes et leurs arrangements. Tout cela suppose un grand travail d’élaboration et une parfaite entente stylistique entre les musiciens, qui donnent parfois l’illusion d’être bien plus de quatre, tant dans l’agencement des parties que dans la spontanéité apparente de l’exécution. Lhotzky domine par son jeu inventif, renouvelé, swingant. Au fil des années, il s’est diversifié, “musclé”, affirmé tant en solo qu’en seconde voix; c’est un piano fertile et qui “tient la distance” : on n’a jamais l’impression qu’il atout dit et qu’il n’a plus de réserves, Il faudrait tout citer car il joue bien partout. C’est un jeune maître. J’ai préféré, et de beaucoup, Hopkins à l’alto plutôt qu’au piano (j’en parle par ailleurs dans son duo avec Dick Hyman). Les changements subtils et fréquents d’atmosphère ne le déroutent pas et il fait penser parfois à André Ekyan ou à Tab Smith. Colin Dawson ne manque pas de drive et a quelques belles envolées. Son jeu avec sourdine de Happy feet est prenant. Il intéresse toujours, même s’il n’a pas la superbe régularité de Lhotzky.
Enregistré en juin 2006 en Autriche, ce CD n’a pas de faiblesses. Même les deux interprétations avec vocal (titres 7 et 14) sont intéressantes pour ce qui se passe derrière. Voilà du jazz contemporain qui concilie nouveauté et respect des “fondamentaux”. Profitez-en.
Daniel Janissier
The Blues is my story
Autoproduit
Chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 565 (Octobre 2007) p.22/23
Washington’s Boogie, The Blues is my story, I’ll be good to you baby, I know, Cherry Red, Let’s go, Ain’t it sweet, What I got, Two tons of loving, Peace in the valley, When the saints go marching in.
Le dernier Festival de La Roquebrou nous a permis de découvrir un bon pianiste et chanteur de blues en la personne de Papadon Washington. On connaît fort peu de choses sur sa biographie sinon qu’il a commencé l’étude du piano dès l’âge de cinq ans au sein de l’église où officiait son père, pasteur de la paroisse de Kent dans I’ État de New York. Il se produit aussi au sein de la chorale de cette église. Par la suite, il est devenu un véritable homme-orchestre ayant appris à jouer, aussi bien du piano que de divers instruments dont l’orgue mais aussi la guitare et la batterie. De sa carrière on ignore à peu prés tout, à peine sait-on qu’il a été la révélation du Chicago Blues Festival en 2005.
Pour la réalisation du présent CD, il a fait appel à la technique du réenregistrement, ce qui nous permet de l’entendre simultanément au piano, à l’orgue et à la batterie entre autres. II chante aussi, fort bien, d’une voix chaude, expressive, fortement enracinée dans le blues. Il se révèle bon compositeur et tous les thèmes, sauf trois, sont de sa composition.
Le disque débute avec un robuste boogie-woogie : Washington’s boogie, bien enlevé, qu’il chante en s’accompagnant au piano, soutenu par un solide afterbeat de la batterie. The Blues is my story, chanté d’une voix bien posée, très prenante, résume son credo: “The blues is my story and I tell that story until the day I die”, on l’entend ici au piano, à l’orgue et à la batterie. I’II be good to you baby et I know balancent bien et sont traités dans le même esprit que le précédent, avec un joli solo de guitare sur I know. Le fameux Cherry Red de James P. Johnson nous vaut une version très personnelle qu’il interprète avec beaucoup de feeling, piano et orgue font alterner climat apaisé et climat tendu. Let’s go est un thème orchestral très agréable qui laisse toute la place au piano et à l’orgue. Ain’t it sweet, What I got et Two tons of loving sont trois faces chantées de façon prenante, très low-down, accompagnées par piano et batterie, avec un swing omniprésent. Avec Peace in the valley, Don Washington se remémore ses débuts à l’église avec ce gospel, écrit par Thomas A. Dorsey, qu’il chante avec foi et recueillement accompagné par piano, orgue et batterie. Le disque s’achève avec le traditionnel When the saints go marching in qu’il interprète à plusieurs voix mais ce thème rebattu n’apporte rien de bien neuf. Je vous invite à découvrir cet authentique bluesman sur son site.
Christian Sabouret
The British Tours 1963-1966
Reelin’ in the Years Productions and Experience Hendrix
Tournée 1963: Keep It to Yourself (Sonny Boy Williamson), Got My Mojo Working (Muddy Waters), Too Late to Cry
(Lonnie Johnson), Baby Please Don’t Go (Big Joe Williams).
Tournée 1964 : Bye Bye Blackbird, Getting Out 0f Town (Sonny Boy Williamson), Come Go with Me, Lightnin’s Blues (Lightnin’ Hopkins), Baby What You Want Me to Do, Rock Me Baby (Sugar Pie Desanto), Smokestack Lightning, Don’t Laugh at Me (Howiin’ Wolf).
Tournée 1966: Oh Well Oh Well (Big Joe Turner), What’d I Say (Junior Wells).
Bonus (tournée 1964): You Can’t Lose What You Ain’t Never Had, Blow Wind Blow (Muddy Waters), Didn’t It Rain, Trouble in Mind (Sister Rosetta Tharpe).
Ce groupement d’interprétations filmées lors de tournées anglaises de l’American Folk Blues Festival fait suite aux trois recueils de 1’AFBF (cf. Bulletins 530 et 537) figurant au palmarès des Prix HCF 2004, ainsi qu’au recueil « Memphis Slim & Sonny Boy Williamson Live in Europe » (cf. Bulletin 539). Pour dissiper toute ambiguïté, précisons que ce nouveau DVD ne recoupe à aucun moment les précédents.
Les chanteurs-guitaristes sont ici à l’honneur. Big Joe Williams, débordant de naturel, martèle le sol du talon pour accompagner un vocal ardent et des solos non moins fougueux sur Baby Please Don’t Go, sa composition la plus réputée. A l’opposé, le placide Lonnie Johnson, à la voix sans aspérité, développe sur Too Late to Cry deux chorus de guitare raffinés dont les notes bien détachées contribuent à la netteté des lignes. Lightnin’ Hopkins traite avec brio Come Go with Me en rythme boogie, mais retient davantage encore l’intérêt par un blues lent chanté telle une complainte, avec une émotion qu’amplifie un jeu « low-down » aux multiples inflexions. Seul Howlin’ Wolf, à la guitare dans Don’t Laugh at Me, se contente d’arpéger les accords fondamentaux à la façon d’un bassiste (il laisse les solos à son brillant second Hubert Sumlin) dans une interprétation tendue, « hurlée » d’une voix rugueuse.
Parmi les chanteurs-harmonicistes, Sonny Boy Williamson l’emporte à l’applaudimètre. Il est vrai que le personnage cultive le pittoresque : il faut le voir entrer d’un pas indolent, melon sur la tête, sacoche à la main, parapluie au bras, s’attarder au micro le temps d’un thème et sortir du côté opposé. De ses longs doigts effilés il dissimule des harmonicas qu’il triture en tous sens pour en modifier les sons, en joue à l’occasion avec le nez ou sans utiliser les mains. Ses trois spécialités sont au nombre des moments forts du recueil tant sa partie vocale est nonchalante et sa partie d’harmonica souple, inventive, dédiée au swing par l’accumulation des effets rythmiques (riffs, traits incisifs, claquements de langue contre le micro suggérant des frappes de «tap dancer»). Howlin’ Wolf, dont le Srnokestack Lightnin’ est salué par des ovations, souffre évidemment du rapprochement avec Sonny Boy, mais compense la modestie de son jeu d’harmonica par une véhémence de « blues shouter » : l’interprétation, prise en tempo aisé, tangue sur place, ponctuée par un riff unique joué conjointement par le pianiste et le guitariste.
Au rang des chanteurs non instrumentistes, Big Joe Turner fait preuve de son assurance coutumière : au cœur du swing dès la première mesure, il balance 0h Well 0h Well avec une flamme communicative entretenue par le « shuffle » de Fred Below et ses relances en rafales. Même sans avoir pareil abattage, Sugar Pie Desanto se montre dynamique sur Baby What You Want Me to Do avant de détailler les paroles de Rock me Baby avec une espièglerie provocante. Privé de sa guitare, Muddy Waters propose de My Mojo une interprétation au climat inhabituel en raison d’accompagnateurs qui, à l’exception d’Otis Spann, ne font pas partie de son entourage familier: aussi est-ce le pianiste qui exécute les chorus — quasi immuables - réservés d’habitude à l’harmoniciste. Quant à Junior Wells, l’un des benjamins des tournées, il danse plus qu’il ne chante dans sa version de What’d I Say~ mais son impétuosité dans cette discipline inattendue ne manquera pas d’étonner.
Les prises du bonus proviennent d’une émission télévisée «The Blues and Gospel Train » tournée en 1963 près de Manchester. Il faut le professionnalisme de Muddy Waters et de Sister Rosetta Tharpe pour parvenir à s’imposer en dépit des conditions du concert : la scène est un quai de gare, les accompagnateurs sont regroupés à l’écart, le froid et la pluie s’en mêlent, contraignant Muddy et Sister Rosetta à jouer en manteau (sans perdre leur humour, Muddy termine par Blow Wind Blow et Sister débute par Didn’t It Rain !). Par chance, l’acoustique n’est pas hostile : la partie de guitare « slide » de Muddy Waters est même bien restituée.
L’ensemble de ce programme, d’une qualité d’image et de son inespérée, offre un précieux témoignage de ces tournées qui réveillèrent l’intérêt pour le blues en Europe. Aussi saluera-t-on sa parution sans réserve.
Jacques Canérot
1 - Le livret hésite sur l’identité des accompagnateurs: « Cousin Joe Pleasant Piano. Unknown: Bass. Unknown: Drums ». En fait, le pianiste est Otis Spann, le bassiste Ransom Knowling et le batteur Willie Smith (connu à l’époque sous le nom de Little Willie Smith, il était l’accompagnateur régulier de Muddy). Cousin Joe est bien au piano... mais seulement le temps de présenter Sister Rosetta: avant comme après, il se balance sur scène dans un rockin’ chair (il est filmé parfois en gros plan et Sister le salue d’un cordial « Brother Joe! »).
I John, Great Jehovah / I believe I’ll go back home, Down by the riverside, Just a little walk with Jesus, Jesus met the woman at the well, Lord don’t leave me, Looking for my shepherd, Old ship of Zion, I got good religion, Shine on me, Walk by faith, You hear the lambs crying, There must be a city, I’ve got a new home, I was there when the spirit came.
Ce nouveau groupe proposé par Willie Leiser, expert acharné et vigilant, tournera en Europe en fin d’année 2007. Il s‘agit d’un quintette vocal s’exprimant sans le moindre accompagnement instrumental, il se compose des quatre frères Turner, Willie, le directeur et ténor, Andrew et Melvin, barytons, Calvin, basse, rejoints par un autre baryton, Clarence Langston. Les Harmony Harmoneers, originaires d’Atlanta, Georgia, fonctionnent depuis une trentaine d’années.
L’album s’ouvre sur I John conduit par Willie Turner à qui ses partenaires fournissent un fond sonore subtilement harmonisé, d’une cohésion et d’une variété remarquables, proposant un riff ou une réplique en contre-chant, toujours avec un tonus rythmique stimulant. Great Jehovah, d’abord hors tempo, impressionne par sa précision et son articulation, puis s’enchaîne et se termine en tempo d’une dilatante souplesse sur I believe I’!! go back home. Comme précédemment, la voix vibrante d’Andrew Turner mène Lord don’t leave me, hors tempo, cependant que le groupe le soutient avec la plénitude des voix sonnant souvent comme un orgue. Le même conduit magistralement Shine on me, autre morceau hors tempo.
L’originalité et la science de l’harmonisation du groupe apparaissent pleinement lorsqu’il s’empare d’un gospel très connu, tel Down by the Riverside, où l’ensemble et le soutien rythmique s’imposent superbement. De même, on admire dans Just a little walk with Jesus ou Looking for my shepherd ou I’ve got a new home l’influx rythmique et la combinaison des voix d’une intense beauté. En réalité, toutes les plages réservent quelque motif d’étonnement. Le morceau le plus long, You hear the lambs crying, s’étend sur six minutes, il débute sur tempo très lent en détaillant les paroles avec une précision méticuleuse et, insensiblement, il se met à swinguer de façon irrésistible. Dans la plupart des titres le leader se trouve être soit Willie, soit Andrew Turner, ce dernier possède une voix plus éclatante.
Ces Harmony Harmoneers, chantant a cappella, ne présentent évidemment pas l’impact, la force de frappe des New Spirit ou des Victory Singers qui subjuguent leurs publics, mais ils opèrent dans un registre confidentiel qui offre une musique d’une beauté rare.
André Vasset
Le talent exceptionnellement prometteur de ce jeune pianiste tire de plus en plus l’attention des amateurs. Le présent album vient confirmer brillamment cette impression alléchante. Son enregistrement eut lieu le 21 avril 2005 à La Nouvelle-Orléans alors que l’orchestre des New Bumpers participait au French Quarter Festival. Julien Brunetaud joue en solo ou accompagné par ses fidèles Sébastien Girardot (b) et Guillaume Nouaux (d) joints parfois par Paul Chéron.
Signalons tout d’abord une erreur importante dans le programme qui annonce 11 plages alors que le CD en comporte 12. La plage 2, Your choice, a été oubliée ce qui décale toutes les suivantes, en conséquence Boogie for my friends annoncé sur la page 2 se trouve en réalité sur la plage 3 et ainsi de suite jusqu’à Newtown boogie donné en position 11 au lieu de 12!
Le disque s’ouvre sur un exaltant Orleans Street boogie, le piano démarre sans tergiverser sur tempo vif puis le ténor de Paul Chéron riffe sur un chorus et poursuit avec quatre chorus d’un direct particulièrement efficace. Julien Brunetaud propose ensuite un long solo d’une souplesse étonnante; sur une partie main gauche ferme et précise, il aligne des phrases excitantes avec une spontanéité et une aisance admirables. Le même groupe intervient sur trois autres plages. Dans Your choice, la plage 2 clandestine, Julien swingue au piano et de surcroît chante avec un dynamisme et un naturel assez estomaquant. Paul Chéron reste impeccable en contre-chant et en solo. Il s’exprime aussi longuement dans Rampart rip off en tempo moyen sur lequel le piano joue avec un profond feeling sur la pulsation stimulante un tandem basse-batterie. Dans le blues lent de Wynonie Harris, Time to change your town, Julien Brunetaud chante les paroles anachroniques avec conviction en se fournissant une émouvante partie de piano dans les deux premiers chorus, appuyé dans le deuxième par un discret contre-chant du ténor qui ensuite prend un chorus éloquent avant le dernier chorus chanté.
Julien Brunetaud reste absolument seul dans quatre plages. En tempo moyen Boogie for my friends se déroule de manière agréablement détendue et passionnante. Look like twins, blues très lent, dégage une intense émotion aussi bien par le vocal que par le piano d’un accent authentique. Hootie blues, blues semi-lent, fredonné puis chanté avec nonchalance et feeling, montre que notre homme a parfaitement capté l’esprit de cette musique. Et il nous signale aussi dans son jubilant Russian rag qu’il ne faut surtout pas le cantonner exclusivement dans le répertoire blues-boogie.
Dans les quatre plages restantes Sébastien Girardot et Guillaume Nouaux reparaissent aux côtés de Julien Brunetaud pour apporter un soutien de qualité. La musique va couler avec facilité aussi bien dans le ique Things ain’t what they used to be que dans la musique de teinte néo-orléanaise de Mardi Gras for Cyrine ou bien encore dans Newtown boogie, joyeusement enlevé, ou enfin dans Aladdin boogie, ce dernier chanté en évoluant sur un obsédant motif de basses.
Julien Brunetaud. Notez ce nom voilà un jazzman dont nous reparlerons !
André Vasset
Chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 565 (Octobre 2007) p.17/18
Vol 1 - (2 CD) - « Con-soul and jazz - Wild Bi11 is the boss ! (Lonehill Jazz LHJ 10283)
Vol 2 - « Joe’s blues » featuring Grant Green. (LHJ 10284)
Vol 3 - « Mess of blues » featuring Kenny Burrell. HJ 10285)
Vol 4 - « Joe’s blues » featuring Les Spann and Mundell Lowe. (LHJ 10286)
La firme Lonehill Jazz vient de procéder à une magistrale réédition des huit remarquables microsilIons réalisés entre 1961 et 1968 par le tandem Hodges/Davis, soutenu par une rythmique où apparaît le plus souvent un bon guitariste (Kenny Burrel, Grant Green, Les Spann ou Mundell Lowe) avec parfois un autre soliste en complément : Lawrence Brown dans deux microsillons, le trompettiste Joe Wilder dans un autre.
Pour parvenir à un total de cinq CD, le réalisateur a ajouté d’une part, dans le volume 1, quatre morceaux tirés d’un neuvième microsillon où Hodges et Davis jouent, sans aucune conviction, avec un grand orchestre dirigé par Claus Ogerman. Ce disque, gravé en 1963 et intitulé Sandy’s gone aurait pu avantageusement être « oublié » tant son intérêt est faible. D’autre part, deux autres microsillons figurent ici, l’un dans le vol.3, paru sous le nom de Johnny Hodges et EarI Hines, le sensationnel Stride right enregistré en 1966, l’autre, réparti entre les vol. 1 et 4, provient d’une session gravée en 1966 également, sous le nom de J. Hodges seul (Blue notes) qui y joue avec un grand orchestre comprenant de bons musiciens, dont Hank Jones au piano, mais sur des arrangements sans éclat de Jimmy Jones, rendant l’ensemble terne et décevant, même pour Hodges.
Les huit premiers microsillons réalisés par Hodges/Davis ont tous été chroniqués dans le Bulletin : Blue Hodge (1961) dans le n° 121, Mess of blues (1963) dans le n° 147, Blue rabbit (1964) dans le n° 153, Joe’s blues (1965) dans le n° 151, Wings and things (1965) dans le n° 167, Con-Soul & Jazz (1965) dans les n°’ 157 et 220, Blue pyramid (1965) dans le n° 166, In Atlantic city (1966) dans les n°185 et 203. L’excellent microsillon Stride right (1966) a été chroniqué dans le Bulletin 163.
II est inutile d’insister sur l’intérêt majeur de cette réédition, très complète, de disques de grande e, d’une facture originale, comprenant une bonne proportion de blues de la main de Hodges, un maître en la matière. Dans cette série, Johnny Hodges et WiId BiIl Davis, s’inspirant l’un l’autre, sont le plus souvent à leur maximum, jouant ensemble pour leur plus grand plaisir. Du pur jus, indispensable à toute discothèque.
François Abon
Chronique du LP original (Verve 8570) parue dans le Bulletin du HCF N°147 (avril 1965) page 22.
JOHNNY HODGES-WILD BILL DAVIS, « MESS OF BLUES » (33 t. 30 cm. Verve 8570 - standard): Jones, I cried for you. Love you madly, Little John Uttle John sur une face; Stolen Sweets, A & R Blues, Lost In meditation au verso.
Ces interprétations ont été enregistrées les 3 et 4 Septembre 1963 par un petit groupement de studio composé de Johnny Hodges (as), Wild BiIl Davis (orgue), Kenny Burrell (g), Osie Johnson ou Ed Shaughnessy (dm). La pochette indique aussi Joe Wilder (tp) parmi les participants à cet enregistrement mais vraiment, c’est comme s’il n’y était pas: à aucun moment on ne perçoit distinctement une trompette.
Ce recueil est très supérieur au premier recueil de Johnny Hodges avec Wild BilI Davis, celui intitulé « Blue Hodge » (cf. Bulletin 121). Wild BilI Davis est bien plus en valeur ici, tant en solo qu’à l’accompagnement, swinguant prodigieusement d’un bout à l’autre du disque. Son solo de Uttle John est à vous couper le souffle! Johnny Hodges, de son côté, joue superbement dans tous les morceaux, dans ce direct, chantant, swinguant, sans la moindre note inutile qui fait en quelque sorte de lui le Louis Armstrong du saxo-alto. Tous les morceaux sont pris en tempo aisé (modéré ou semi-lent — seul Lost In méditation est carrément lent), la musique coule, simple, naturelle, décontractée (mais jamais molle) et l’on ne se lasse pas d’entendre ce jazz pur, rafraîchissant...
.J’ajoute que Kenny Burrel joue généralement très bien (notez son excellente partie d’accompagnement dans Uttle John) et que les deux batteurs sont assez bons. Il est regrettable que le texte de pochette ne spécifie pas dans quels morceaux joue chacun d’eux. Le temps me manque pour essayer de les distinguer, d’autant plus que je connais mal Ed. Shaughnessy.
Un beau disque!
Hugues Panassié
Chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 566 (Nov-Déc 2007, p. 13,14)
Frémeaux publie deux CD précieux à vocation pédagogique différant de la production courante et s’adressant aux amateurs désireux de parfaire leurs connaissances. Le plus souvent, le public apprécie la musique en ignorant les détails de sa structure et de son fonctionnement, mais l’amateur passionné cherchera à approfondir la question aussi l’initiation proposée est-elle bienvenue. D’autant qu’elle a été confiée à Jacques Morgantini qui explique toutes les nuances avec sa maestria habituelle. Frémeaux ne pouvait trouver meilleur guide.
Bien sûr, il ne suffira pas de lire en vitesse les explications du très copieux livret et d’écouter de même les plages du CD pour devenir un spécialiste. Il faudra prendre le temps d’assimiler ces subtilités pour ensuite profiter pleinement de la musique en l’écoutant encore mieux.
SAVOIR ÉCOUTER LE BLUES
(Frémeaux & Ass FA 5181)
La musique et le chant permirent aux Noirs déportés en Amérique d’échapper quelque peu à leur funeste condition. Insensiblement, sous diverses influences, ils créèrent leur propre musique d’où se dégagea une forme privilégiée. Colportée par tradition orale, aucune règle n’étant fixée, chaque interprète pouvait l’adapter à sa guise. Ainsi, les faveurs de la communauté allèrent à une structure de 12 mesures bâtie sur une « séquence harmonique quasiment miraculeuse » : trois phrases de 4 mesures, la première répétée une seconde fois avant une troisième en conclusion, schématiquement AAB.
Le tour d’horizon débute donc par cette forme ique de 12 mesures avec en exemples Baby dont tell on me et 60m’ ta Chicago blues de Count Basie chantés pas Jimmy Rushing et Double trouble blues de Hot Lips Page. Dans chacune des phrases de 4 mesures, le vocal n’occupe pas toute la place, une réponse instrumentale vient le prolonger. Lorsque ces blues se déroulent sur tempo lent; on note qu’une pause intervient au cours de chaque phrase chantée
Train tare home de Muddy Waters, Hello Central de Lightnin’ Hopkins, So blue blues de T-Bone Walker, Harvard blues de Count Basie chanté par Jimmy Rushing.
Les blues à refrain apportent une variante : les quatre premières mesures (couplet) changent à chaque chorus, alors que les huit autres (refrain) se répètent. Souvent ces blues comportent des passages avec breaks solo ainsi qu’on l’entend dans les titres venant en exemples You ain't so much a much et Bachelor’s blues de Cousin Joe, The Lady in bed de Lips Page. En fait, le bluesman peut ne pas recourir aux breaks solo et donc chanter en continu : Just a dream de Big Bill Broonzy, Stop breaking down de Sonny Boy Williamson. Il peut aussi modifier l’importance du couplet et le porter à 8 mesures : I’m not the lad de Washboard Sam, Railroad porter blues d’Eddie Vinson.
Quelques fois, le blues adopte une structure de 8 mesures, la première phrase n’étant pas répétée (donc AB) selon le modèle de How long how long blues de Leroy Carr et Nobody in mind de Big Joe Turner. Là encore, la phrase B peut devenir un refrain comme dans le fameux Torride Lite blues de Big Maceo. Sont également évoqués le blues de 16 mesures, le blues dédoublé avec Stump blues de Big BilI Broonzy en exemple, et aussi les formes plus complexes tel Saint Louis blues, de Bessie Smith, qui comporte trois thèmes : un ique blues de 12 mesures chanté deux fois, un thème de 16 mesures et un second blues de 12 mesures diffèrent du premier.
Le CD se termine avec Bottom blues d’Albert Ammons dans lequel apparaissent en solo. Vic Dickenson et Hot Lips Page qui jouent le blues de façon empoignante alors que leur collègue Don Byas, pourtant éminent jazzman, ne possède pas l’accent ni le feeling.
(André Vasset)
Chronique publiée dans le Bulletin HCF N° 566 (Nov-Déc 200) p.14/15
Frémeaux publie deux CD précieux à vocation pédagogique différant de la production courante et s’adressant aux amateurs désireux de parfaire leurs connaissances. Le plus souvent, le public apprécie la musique en ignorant les détails de sa structure et de son fonctionnement, mais l’amateur passionné cherchera à approfondir la question aussi l’initiation proposée est-elle bienvenue. D’autant qu’elle a été confiée à Jacques Morgantini qui explique toutes les nuances avec sa maestria habituelle. Frémeaux ne pouvait trouver meilleur guide.
Bien sûr, il ne suffira pas de lire en vitesse les explications du très copieux livret et d’écouter de même les plages du CD pour devenir un spécialiste. Il faudra prendre le temps d’assimiler ces subtilités pour ensuite profiter pleinement de la musique en l’écoutant encore mieux.
SAVOIR ÉCOUTER LE JAZZ
(Frémeaux & Ass FA 5182)
Cette initiation à l’écoute du jazz sera appréciée aussi bien par l’amateur nouveau venu que par celui qui jusque-là s’est contenté d’une écoute bienveillante mais superficielle. En douze pages du livret, Jacques Morgantini fournit l’essentiel des bases indispensables. Après avoir évoqué les origines du jazz, ses caractéristiques (rythme, mélodique, swing, improvisation), la composition et le fonctionnement d’un orchestre, le professeur entre dans les détails et en arrive aux travaux pratiques. Les enregistrements alignés sur le CD illustrent chacun des points examinés.
Les commentaires et l’écoute débutent avec le Nouvelle-Orléans et l’improvisation collective sur e modèle de Gettysburg March de Kid Ory. Pour la même rubrique, dans un registre magistral, Louis Armstrong intervient avec l’éblouissant Potato head blues et son fameux stop chorus ; ensuite se trouve un moment rare d’improvisation à cinq avec Oh Didn’t He Ramble de Jelly Roll Morton.
Très rapidement les grands orchestres se multiplièrent et nécessitèrent le recrutement d’un arrangeur pour organiser la musique des différentes sections où vont s’insérer les interventions des solistes. Duke Ellington se révèle un maître dans l’art de modeler la matière sonore, exemple Dusk.
Il convient de rappeler que, dans les années 20, les interprétations étaient souvent plus élaborées qu’elles ne le devinrent ensuite. Outre le refrain, les musiciens utilisaient alors fréquemment le couplet (verse), pratique qui a quasiment disparu. De surcroît, il n’était pas rare que plusieurs thèmes se succèdent dans un même titre. Par ailleurs, il faut noter également que des procédés typiques sont tombés en désuétude : stop chorus, interlude, breaks... A propos du recours aux breaks (phrases jouées sans accompagnement) qui pimentent de manière excitante les interprétations, plusieurs exemples sont proposés C Jam blues de Duke Ellington, Kaiser’s last break de Mezzrow-Bechet, The King de Count Basie, Bye and bye de Louis Armstrong, Star dust de Lionel Hampton, Wild Man blues de Sidney Bechet.
Les interprétations sont basées sur un thème à partir duquel se développe l’improvisation en respectant la structure harmonique. Certains morceaux comportent plusieurs thèmes tel Black and tan Fantasy de Duke Ellington (thèmes de 12, 16 et 12 mesures). Les morceaux les plus communément employés, outre le blues, sont les thèmes de 32 mesures avec pont (AABA) : Doggin’ around et Rock-a-bye Basie de Count Basie, Wednesday night hop d’Andy Kirk, Christopher Columbus de Fletcher Henderson, Riding on 52nd Street de Coleman Hawkins (ce dernier titre utilise exceptionnellement le couplet). Il existe bien d’autres formes, notamment des 16 mesures avec pont (Dusk et Stompy Jones de Duke Ellington), des 32 mesures sans pont (Sidewalks of New York et Margie de Duke Ellington), des 16 mesures sans pont (Portrait al the Lion de Duke Ellington), des 16 mesures avec queue (Baby won’t you please come home de Louis Armstrong), etc.
Les informations brillamment prodiguées par Jacques Morgantini dans le livret (notamment le déroulement de chacun des enregistrements est minutieusement détaillé) mises en lumière par la musique du CD feront forcément progresser l’amateur dans sa connaissance du jazz.
André Vasset
par Eddy DETERMEYER
The University of Michigan Press, 2006. (23,5 x 16 cm).
331 pages. 26 photos noir & blanc hors texte. Relié avec jaquette. En anglais.
ISBN 0-472-11553-7
Chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 562 (Juin 200) p. 27-30
Eddy Determeyer, journaliste et homme de radio d’origine néerlandaise, consacre un passionnant ouvrage au parcours et à l’oeuvre d’un des plus prestigieux orchestres de l’histoire du jazz. Disposant d’une masse impressionnante d’archives, de documents et de témoignages, l’auteur retrace avec minutie la vie de Jimmie Lunceford (1902-1945) et des musiciens qui l’ont accompagné tout au long de sa carrière. Il analyse également les enregistrements les plus importants et dresse, en fin de volume, une précieuse discographie qui fournit à l’amateur dates, lieux, personnels, éditions originales et rééditions (LP et CD).
Notes et index complètent comme il se doit cette biographie de Lunceford qui « propose une vue particulièrement complète du monde de ce personnage unique en rassemblant de multiples témoignages, anecdotes et opinions... Un livre essentiel absolument remarquable ».
Alain Carbuccia
THE VICTORY GOSPEL SINGERS «NOBODY KNOWS»
Testimony, Nobody knows, I’m so grateful, Jesus can work it out, God will deliver, Jesus will, I know I’ve been changed, I love to praise him, The Lord is blessing me, Happy with Jesus alone, The Saints, Keep your lamps, I’ll fly away, Everything is gonna be allright, Take a trip / Trouble in my way / Jesus he’ll fix it, Sanctuary.
Ce diable de Willy Leiser vient encore de débusquer un nouveau groupe enthousiasmant, The Victory Gospel Singers, inconnu en Europe où il doit venir en tournée en fin d’année ! Cette formation réunit quatre chanteuses et deux chanteurs dont Bryant Jones, le directeur qui utilise aussi piano et orgue. Selon les plages, interviennent parfois un autre organiste et un drummer. Ces interprétations proviennent de trois séances d’octobre et novembre 2005, excepté Happy with Jesus alone enregistré devant une congrégation par Jeanette Robinson-Jones chantant de façon recueillie avec une profonde émotion, accompagnée au piano par son fils Bryant Jones. Le groupe que l’on entend dans toutes les autres plages frappe immédiatement l’auditeur par son dynamisme peu commun et l’agréable variété d’un répertoire constamment swinguant et proposé dans un style original.
Quelques fois le directeur, Bryant Jones, installe le tempo pour l’interprétation, rapidement rejoint par le groupe dans lequel éclate la jubilation de chanter. Dans I’m so grateful, le vocal de Bryant débute calmement puis le chœur arrive en renfort et lui lance la réplique de manière très rythmique avec une ardeur croissante. Le groupe entre immédiatement en action dans I love to praise him pour répondre à Bryant Jones, il en est de même dans l’inusable The Saints, traduit là avec originalité sur une attrayante partie de piano (la fin est abrupte ainsi que dans certains autres morceaux). Le medley enchaînant Take a trip, Trouble in my way et Jesus he’ll fix it, suit un plan semblable, la tension monte insensiblement et le swing devient presque insupportable vers la fin (shuntée). Sanctuary aussi débute dans la sérénité et se conclut dans la véhémence. Dans le fameux Nobody knows, Bryant Jones débute seul au piano et chantant, peu après le chœur surgit puis, après l’entrée en tempo, le groupe lui donne la réplique avec de plus en plus d’énergie et d’insistance. La simple répétition des mots ‘Glory’ et ‘Hallelujah’ swingue de façon impitoyable puis la voix d’une chanteuse, Jeannie Lightfoot, se détache et se déchaîne portant la tension à son comble. Epoustouflant!
Le groupe compte aussi de remarquables solistes. Cette Jeannie Lightfoot se trouve aussi en vedette dans Jesus can work it out, spontanément en action elle manifeste une impétuosité qui ne cesse de grandir jusqu’à vous couper le souffle. Dans The Lord is blessing et I‘11 fly away elle prend également la direction avec une fougue et une autorité exceptionnelles. Shana Bradley au débit syncopé avec une flamme et un mordant qui font s’élever la température de manière irrésistible avec ses partenaires à l’unisson dans Testimony. Elle émerge momentanément dans Keep your lamps, chanté a cappella.
Tommy Stewart est le leader de God will deliver, en tempo moyen avec soutien dense et obsédant du groupe, et de Everything is gonna be allright, en tempo vif qui petit à petit va se terminer en ouragan. Deux plages sont chantées par le chœur faisant bloc : Jesus will au feeling frémissant et I know I’ve been changed, a cappella accompagné par une batterie discrète.
Un album constamment exceptionnel ! (André Vasset)
Lauréat : MICHEL PASTRE pour “FREE SWING”
Chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 554 (Juin-Juillet 2006) page 13
MICHEL PASTRE, « FREESWTNG » (Djaz 734.2) Midriff, Tulip or Turnip, Freeswing, Webstering, Hiawatha, Morning Glory, Sophisticated Lady, Kinda Dukish mocking in rhythm, What am I here for, Lazy Rhapsody.
Quatrième CD de Michel Pastre et son second en quartet ; comme précédemment il est accompagné de Pierre Christophe (p), Raphaël Dever (b) et Stan Laferrière (d). On ne présente plus Michel Pastre qui a su s’imprégner des qualités des grands saxophonistes de l’âge d’or du jazz et on entendra passer dans son jeu le souffle des Webster, Hawkins ou autres Jacquet. Glissons sur le premier titre, Midriff, qui n’est pas le plus représentatif du talent de notre ténor (petits problèmes d’intonation et de justesse), pour en arriver à Tulip or Turnip : c’est une réussite ! Excellent tempo, « ça balance » dès le premier chorus, l’accent jazz est là, la sonorité est superbe et tout le monde swingue avec naturel, sans effort. Les trois sidemen font corps avec le saxophoniste : Pierre Christophe, dont le évolue entre Sir Charles Thompson (pour l’économie et la précision) et Erroll Garner, sait se montrer éloquent et sobre à la fois Raphaël Dever fournit une impeccable ligne de basse (comme dans tous les morceaux, d’ailleurs) et Stan Laferrière, dont la batterie est un peu en retrait par l’enregistrement, assure le soutien qui convient à ce type de musique. Cette interprétation est à mes yeux (à mes oreilles plutôt) le sommet de ce CD. Faites-la entendre à des amis peu portés au jazz pour étudier leurs réactions. Le titre suivant est à prendre en se tapotant le menton. Artificiel malgré le «free» de Freeswing, cette espèce de blues bizarre à la sauce vaguement polytonale est, me semble-t-il, un clin d’œil moqueur de nos musiciens à un type de musique apprécié (!) de l’avant-garde modernistique. Si tout le disque avait été bâti ainsi, il est certain que Michel Pastre aurait eu droit aux félicitations de l’intelligentsia subventionnée. Fort heureusement, Webstering nous ramène au jazz ; le titre dit ce qu’il en est. Signalons à nouveau le travail du bassiste et le piano économe et swinguant de Christophe. Le son opulent, la sonorité maîtrisée du ténor, sur les accords profonds du piano (avec juste ce qu’il faut de pédale), le tempo lent où se déploie le feeling des quatre musiciens, concourent à réaliser une bien belle interprétation de Morning Glory. Le titre suivant est joué sur un tempo assez vif ; Pierre Christophe taquine Garner. Kinda Dukish est moyennement réussi : sans Pastre au début, nos trois musiciens « ellingtonisent » avec jubilation puis on suit le plan habituel ; ici, le saxophoniste maîtrise moins bien sa fougue naturelle. What am I here for est swingué en souplesse. Le dernier morceau, Lazy Rhapsody, est un petit bijou (petit, parce que 2 mm) : basse à l’archet, ténor on douceur, batterie en demi-teinte, piano coloré, c’est tout simple, c’est bien.
Ce CD en tout cas, contient de la bonne musique comme j’ai tenté de le montrer, et l’entente des quatre musiciens est parfaite.
(D.J.)
Lauréat : REELIN' IN THE YEARS PRODUCTIONS
pour le DVD de MUDDY WATERS « CLASSIC CONCERTS »
ref : 06 02 498 741 290 – Distribué par Universal
Chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 554 (Juin-Juillet 2006) page 23
MUDDY WATERS, Classic Concerts - Universal Music - Reelin’ in the Years Productions 0602498741290 - Copyright 2005 - Noir & blanc et couleur - Durée approximative mentionnée: 2 h (bonus inclus) - Interviews en anglais avec sous-titres ; livret en anglais.
Ce DVD copieux propose « trois concerts historiques» de Muddy Waters filmés entre 1960 et 1977 avec des personnels différents (seul Otis Spann apparaît deux fois):
-Newport Jazz Festival (États-Unis), 3 juillet 1960 : Hoochie Coochie Man, Tiger in your tank, Rollin’ Stone, Got my Mojo working, Mean Mistreater/Going to Chicago Blues.
On connaissait depuis longtemps ces interprétations par le LP Barclay 84.093 (cf. Bulletin 144), qui ne comportait pas le couplage Mean Mistreater/Going to Chicago Blues, mais proposait titres en plus, réintégrés ici sous la forme de « bonus audio tracks.
Pour sa première participation au Festival rie Newport, Muddy Waters reçoit un accueil enthousiaste dont témoignent des « standing ovations » répétées. Il est vrai que le musicien ne ménage pas sa peine et se cantonne, à un titre près (Tiger in your tank, alors nouveau), dans les succès consacrés. De ce fait, peu de surprises musicales dans ce récital qui confirme la sûreté de Muddy Waters dans le choix des tempos (du nonchalant Hoochie Coochie Man à l’exubérant Tiger in your tank) et sa capacité à instaurer d’entrée de jeu un dramatique (Rollin’ Stone). Le spectacle restitue surtout le magnétisme de sa personnalité et son plaisir à se produire sur scène : pour preuves ses pas de danse et sa gestuelle provocante dans un Got my Mojo working survolté - où culmine le burlesque quand il se met à valser avec James Gotton en s’empêtrant dans le fil du micro.
Le récital s’achève sur une jam session réunissant divers participants aux spectacles de Newport ; outre Muddy, chacun y va chorus chantés (Sammy Price, Betty Jeannette, Jimmy Rushing) ou dansés (Al Minns et Leon James). L’exercice, qui sera systématisé lors des tournées de l’AFBF, comporte les flottements habituels et ne supporte guère les projections répétées.
Le confort du spectateur, déjà perturbé par la sonorisation (les cymbales de Francis Clay ont tendance à ferrailler dans Tiger et My Mojo, est parfois mis à mal par un filmage aberrant : il fallait oser, pendant les solos de James Cotton, cadrer les différents musiciens … sauf l’harmoniciste. Quant aux multiples plans de coupe s’attardant aux comportements pittoresques » du public, ils affichent vite leurs limites.
è Copenhagen Jazz Festival (Danemark), 27 octobre 1968 at Back at the Chicken Shack, Train Fare Blues, Hoochie Coochie Man, Long Distance Call, Nobody knows my trouble, Cold Cold Feeling, Got my Mojo working, Tiger in your tank.
Après une première interprétation tâtonnante où le groupe peine à trouver ses marques, Muddy Waters prend les choses en main et, dans un Train Fare Blues « low-down» à l’extrême, captive son auditoire par un chant véhément et une partie de guitare évoluant dans l’aigu. Autre réussite : un Long Distance Call poignant, interprété d’une voix suppliante, avec deux chorus de guitare « slide » aux inflexions « pleureuses » et, en finale, un long break vocal prêché avec ardeur. L’excellent Otis Spann – « my brother », comme le présente Muddy - se voit accorder deux spécialités chantées (Nobody knows my trouble et Cold Cold Feeling) où les chorus de piano occupent une place réduite, mais qui bénéficient du contre –chant fascinant, tout en phrases sinueuses, de la guitare de Luther « Snake » Johnson. Le reste du programme comprend trois des interprétations immuables du répertoire : cette immuabilité est aussi perceptible dans certains solos, comme l’attestent les chorus d’harmonica sur My Mojo aux variations presque identiques, que leurs auteurs soient Paul Oscher dans le présent concert, Jaunes Cotton dans le précédent, Jerry Portnoy dans le suivant.
L’image - en noir et blanc - est bien contrastée et les nombreux gros plans permettent d’apprécier tout à loisir la mobilité expressive du visage de Muddy.
- Molde Jazz Festival (Norvège) 1er août 1977: Prison Bound Blues, Blow wind blow, Hoochie Coochie Man, Baby please don’t go, Can’t get no grindin’, You don’t have to go, Got my Mojo working.
Dans le programme du concert norvégien - filmé en couleur - prédominent les tempos vifs ou moyens en rythme shuffle. Toutes les interprétations de ce type sont réussies, non seulement par le chant de Muddy Waters - peut-être plus envoûtant encore que par le passé - mais par la qualité de ses musiciens : Willie Smith est un accompagnateur attentif, souple dans sa pulsation, incisif dans ses relances, soulignant le contretemps avec une élasticité exemplaire (pour l’anecdote : il est l’un des rares batteurs à marquer le tempo sur la grande cymbale avec la main gauche) Luther «Guitar Junior » Johnson (successeur de Luther « Snake » Johnson) prend trois étincelants chorus dans Baby please don’t go et redouble de swing dans Can’t get no grindin’ ; le pianiste Pinetop Perkins, à qui avait incombé la lourde tâche de remplacer Otis Spann, possède un toucher ferme et se montre insistant dans ses accompagnements : son jeu plein, énergique donne toute sa mesure dans ses solos de Blow wind blow et de Can’t get no grindin’. Mais la meilleure interprétation du concert pourrait bien être ce Prison Bound Blues au balancement indolent, ponctué par un after-beat moelleux, où chaque intervenant semble prendre son temps et où Muddy Waters, avec placidité, s’emploie à aérer des phrases autant parlées que chantées.
Le DVD offre trois bonus: l’un, musical, bien enlevé, provenant d’un concert londonien de 1977 (The blues had a baby and they name it rock and roll) et deux brèves interviews de Muddy Waters. La première se déroule sans histoire, mais la seconde ne manque pas de piquant : interrogé par un tout jeune homme qui lui pose des questions de débutant, Muddy se montre d’abord amusé, se moque gentiment de l’apprenti journaliste, mais lorsqu’on lui demande si sa musique est «politique», il fait répéter puis s’irrite (« Sers-moi ça sans détours, mon gars ! ») et met peu après un terme à l’entretien par quelques boutades.
Parmi les DVD de Muddy Waters disponibles, celui-ci offre l’avantage de proposer trois instantanés régulièrement répartis sur une période de dix-sept ans et de révéler, par ce raccourci, la constance d’inspiration d’un artiste majeur dans l’histoire du blues, véritable1e « icône de la musique américaine » selon l’expression utilisée par Bob Margolin dans le livret.
Jacques Canérot
Autoproduit D44010
Chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 557 (Novembre 2006) pages 16/17
Jumpin’ the blues, One scotch one bourbon, I can’t hold out much longer, Reefer head woman, Great pleasure, Lightnin’, Since my baby been gone, Mean mistreater, Buzz me baby, That ain’t right, Confessin’ the blues.
Si l’on m’avait mis ce disque sous les oreilles sans me montrer l’emballage, j’aurais pensé à de jeunes musiciens noirs américains s’exprimant dans le langage du blues éternel... Eh bien, non, il s’agit de jeunes jazzmen français dont on peut dire banalement: ils ont tout compris ! Mais dont je dirai plutôt qu’ils se sont immergés dans le blues de toujours, sans copie scolaire ni ambiance préfabriquée. Bien sûr, les grands maîtres sont là, derrière les thèmes choisis : McShann, Milburn, Little Walter, Spann, Gillum, etc., comment faire autrement. Mais les éléments fondamentaux qui ne peuvent être reproduits servilement sont bien personnels le feeling, et le swing. C’est la manière d’être, de jouer, de ressentir de ces jeunes musiciens qui étonnent nos oreilles.
Voici donc enregistrés en octobre 2005, Kevin Doublé (hm, chant, g sur 9), Julien Brunetaud (p et chant sur 7), Anthony Stelmaszack (g), Sébastien Girardot ou Vincent Talpaert (b), Serge Rahoerson (ts), Jérôme Etcheberry (tp), Guillaume Nouaux (d). Comme d’habitude (je crois qu’on peut le dire maintenant) l’impeccable batterie de Nouaux emmène tout le monde avec autorité et s’adapte excellemment au caractère de chaque interprétation : la
première vous met d’ailleurs tout de suite dans l’ambiance de) cet épatant petit disque. C’est ensuite le piano virevoltant, très jazz, de Julien Brunetaud qui enrichit la trame musicale et fournit un très vivant accompagnement au soliste. Des deux contrebassistes, Girardot est le plus swinguant. Le guitariste, de qualité constante, est vraiment in the mood. Nos deux souffleurs fournissent des fonds orchestraux (est-ce Etcheberry l’auteur des simples et parfaits arrangements ?) et interviennent peu en solistes : notons un bon solo de Rahoerson ( Chamblee, Sam Taylor) dans That ain’t right et un remarquable Etcheberry, un peu à la Edison (ces inflexions !) dans One scotch; le saxophoniste et le trompettiste assurent aussi très efficacement et joliment les contre-chants qui conviennent derrière les solistes. Je citerai en dernier le « patron »Kevin Doublé qui, à l’harmonica, vous transporte dans le Sud et, au chant, n’est ni crooner ni chansonnier mais vraiment vocaliste de jazz : j’ai été épaté ! A la guitare (Buzz me baby), il est moins extra, c’est propre mais un peu appliqué, il est moins à l’aise.
Ce disque aux couleurs du blues ne fera pas double emploi avec ceux que vous possédez, pour son feeling et son swing, je le répète. On est saisi parfois par le climat de certains morceaux tels que I can’t hold ou bien Reefer head dont la pulsation fait songer à Washboard Sam. Tout est bien, il n’y a pas de faiblesses marquées. L’enregistrement, correct, manque un peu de chaleur.
Contacter K Doublé pour vous procurer ce CD, il en vaut la peine : kevindouble@free.fr ou Tél : 06 32 70 56 87
(Daniel Janissier)
Lauréat : JAZZ ODYSSEY RECORDS
JO JONES, « THE DRUMS » (Jazz Odyssey JOCD 1/2) : Warm up solo, Basics-Gadgets-Effects, Rudiments, Rim Shots-Tom Tom, Home Practice, Two Beat-Four Beat-Three Beat, Drum Solo n° 1, Accompaniment, Latin Rhythms, Rock ‘n’ Roll Rhythms, Making changes, Drum Solo n° 3, Colours, Drum Solo n° 2, Drummers I met, Dancers I met, Caravan (en direct, avec Milt Buckner).
Le pianiste de jazz George Wein a déclaré: « Le batteur le plus important de l’histoire du jazz pourrait bien être Jo Jones ». Il était très certainement l’un des géants, doué d’une créativité étonnante, d’une pulsation incomparable et d’un bon goût sublime. Tout amateur de jazz se devrait de connaître ses talents musicaux, par les enregistrements devenus des iques avec Count Basie ou Lester Youg, entre autres.
En 1973. Louis et Claudine Panassié demandèrent à Jo Jones d’enregistrer en solo, en décrivant sa technique. ses vues sur la musique et ses antécédents de musicien. Le résultat parût en 1974 en deux microsillons Jazz Odyssey qui devinrent très vite une rareté. Les batteurs américains ont parlé pendant des années de cette édition épuisée depuis longtemps, et tous regrettaient que le contenu n’ait pas paru en disque compact. En 2005, Laurent Verdeaux, un ancien adjoint de Louis Panassi6, racheta les droits de Jazz Odyssey, bien décidé à transposer le matériau en CD, en commençant par les sessions Jo Jones.
The Drums » est un monument. Chaque caisse est soigneusement accordée, le son de chaque cymbale bien choisi. La patte du maître, qui utilise les baguettes, les balais, les mailloches et... ses doigts, est preuve à la perfection que la batterie peut être l’un des instruments les plus musicaux.
Les solos de Jones et les démonstrations qu’il fait de ses idées et de ses techniques forment une méthode incomparable pour tout batteur, et les restitutions du d’autres batteurs nous ramènent au début des années 30 comme dans une machine à remonter le temps. Les imitations de Walter Johnson, de Sonny Greer et de Chick Webb sont d’une ressemblance renversante. Jones connaissait chaque nuance de leur .
Il faut écouter lés morceaux où Jones imite les claquettes de Pete ‘TheTapper’, ou Eddie Rector, ou Baby Laurence et Bill Robinson, et ensuite le solo de batterie dans Louise, avec Lester Young et Teddy Wilson ; on constatera que Jones savait s’inspirer des danseurs tout comme des batteurs.
On se laisse fasciner par ce qu’il raconte comme par son de batterie. Le timbre de sa voix et la précision de sa diction nous rappellent Baby Dodds. Même quand il change de sujet sans avertir ou quand sa phrase est incomplète, on est tout à l’écoute. Son récit est plein d’humour, surtout lorsqu’il décrit « les effets de percussion» de l’époque du cinéma muet et quand il fait des astuces bizarres en aparté: (« That was my greatest roll ... you know, like a Chinese egg roll] » (*)
Cet album de deux CD contient tout ce qui était paru en LP en 1974, et aussi plusieurs morceaux inédits, dont des solos de batterie, des démonstrations de batterie de rock’n’roll, de valse ou de musique sud-américaine, ainsi, que des conseils pour répéter chez soi.
Tous les batteurs remercient Laurent Verdeaux et Jazz Odyssey pour l’édition en version CD de ce merveilleux document: Sur le disque, Jo Jones s’exclame, juste après un bijou de solo : «Nice ! ». «Voilà qui est bien! ». C’est aussi notre opinion.
Hal Smith - Traduction R. Richard
(*) «Mon meilleur roulement, comme un rouleau de printemps»:
intraduisible, roll signifiant à la fois rouleau et roulement.
Lauréat: BLUE NOTE pour IKE QUEBEC
Chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 555 (Août-Septembre 2006) p.23/25
CD 1 - A Light reprieve, Buzzard Lope, Blue Monday, Zonky, Later for the rock, Sweet and lovely, Dear John, Blue Friday, Everything happens to me, Mardi Gras, What a difference a day makes, For all we know, I’ll wind,
CD 2 – If I could be with you, I’ve got the world on a string, Me ‘n’ Mabe, Everything happens to me, All of me, All the way, How long has this been going on, With a song in my heart, Imagination, What is there to say, There is no greater love.
A partir de 1950, les juke-boxes furent convertis à la lecture des disques 45 tours et les producteurs s’adaptèrent très vite à ce dard qui finit par prendre la place du 78 tours. Blue Note sortit ses premiers disques dédiés à ce marché en 1956 et le présent double CD reprend l’intégralité de ceux réalisés sous le nom du saxophoniste ténor Ike Quebec de 1959 à 1962, à l’occasion de trois séances d’enregistrement.
Celles-ci ont pour point commun l’instrumentation qui fréquemment utilisée à cette époque et donnait souvent d’excellents résultats : saxo ténor, orgue et soutien rythmique. Cette formule se révèle parfaite pour mettre en valeur le saxophoniste Ike Quebec, qui bénéficie du soutien de musiciens de premier plan : pour les huit premiers titres, l’excellent Edwin Swanston à l’orgue (qu’Edgar Battle notamment nous a fait connaître dans ses disques Cosmopolitan), le sensationnel Skeeter Best à la guitare, Sonny Wellesley à la basse et Les Jenkins à la batterie - très bons tous les deux ; pour les neuf suivants : Sir Charles Thompson à l’orgue, Milt Hilton à la basse et J.C. Heard à la batterie (on ne peut imaginer meilleur entourage) ; pour les neuf derniers (les seuls à avoir fait l’objet d’une édition LP en sous le titre « A Song In My Heart ») : Earl Van Dyke à l’orgue, Willis Jones à la guitare, Wilbert Hogan à la batterie, Sam Jones à la basse étant ajouté dans cinq plages. Constituée de musiciens un peu moins connus, cette rythmique n’est pas moins stimulante et cette dernière session est même globalement plus réussie que les précédentes, pourtant déjà de très haut niveau.
Ike Quebec est le principal soliste et, aussi bons que soient ses accompagnateurs, l’auditeur ne s’en plaindra pas car Ike Quebec est bien l’un des plus grands saxophonistes ténor de l’histoire du jazz. Son jeu est très inspiré de celui de Coleman Hawkins avec un vibrato moins marqué et sa sonorité chaleureuse est parfaitement rendue par l’enregistrement signé Rudy Van Gelder. Il excelle aussi dans le blues, à tel point qu’il en introduit la coloration dans beaucoup de morceaux, y compris les standards qui constituent la majorité du répertoire joué ici.
Ike Quebec est aussi un compositeur de talent, sachant instiller un climat « funky» dans certaines de ses pièces : Buzzard Lope, A Light reprieve, Me ‘n’ Mabe, Later for the rock et sa version rapide de Dear John (thème apparenté à Night Train).
En réalité, il n’y u aucun déchet dans ce double album : tout ce que joue Ike Quebec est prenant, inspiré et nombre des interprétations peuvent être considérées comme de véritables chefs-d’œuvre notamment Everything happens to me (les deux versions), Imagination (il faut absolument en écouter la version d’Hawkins juste après), Intermezzo (dont le climat fait penser au merveilleux On the Alamo d’Alix Combelle), There is no greater love, What a difference a day makes, Mardi Gras (en tempo plus rapide, où on trouve des réminiscences de Jive at Five.
Ike Quebec, décédé prématurément à 45 ans, en janvier 1963, n’a malheureusement pas laissé une discographie abondante : ces magnifiques enregistrements n’en ont que plus de valeur.
(François Abon)
Chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 566 (Nov-Déc 2007, p. 13,14)
Frémeaux publie deux CD précieux à vocation pédagogique différant de la production courante et s’adressant aux amateurs désireux de parfaire leurs connaissances. Le plus souvent, le public apprécie la musique en ignorant les détails de sa structure et de son fonctionnement, mais l’amateur passionné cherchera à approfondir la question aussi l’initiation proposée est-elle bienvenue. D’autant qu’elle a été confiée à Jacques Morgantini qui explique toutes les nuances avec sa maestria habituelle. Frémeaux ne pouvait trouver meilleur guide.
Bien sûr, il ne suffira pas de lire en vitesse les explications du très copieux livret et d’écouter de même les plages du CD pour devenir un spécialiste. Il faudra prendre le temps d’assimiler ces subtilités pour ensuite profiter pleinement de la musique en l’écoutant encore mieux.
SAVOIR ÉCOUTER LE BLUES
(Frémeaux & Ass FA 5181)
La musique et le chant permirent aux Noirs déportés en Amérique d’échapper quelque peu à leur funeste condition. Insensiblement, sous diverses influences, ils créèrent leur propre musique d’où se dégagea une forme privilégiée. Colportée par tradition orale, aucune règle n’étant fixée, chaque interprète pouvait l’adapter à sa guise. Ainsi, les faveurs de la communauté allèrent à une structure de 12 mesures bâtie sur une « séquence harmonique quasiment miraculeuse » : trois phrases de 4 mesures, la première répétée une seconde fois avant une troisième en conclusion, schématiquement AAB.
Le tour d’horizon débute donc par cette forme ique de 12 mesures avec en exemples Baby dont tell on me et 60m’ ta Chicago blues de Count Basie chantés pas Jimmy Rushing et Double trouble blues de Hot Lips Page. Dans chacune des phrases de 4 mesures, le vocal n’occupe pas toute la place, une réponse instrumentale vient le prolonger. Lorsque ces blues se déroulent sur tempo lent; on note qu’une pause intervient au cours de chaque phrase chantée
Train tare home de Muddy Waters, Hello Central de Lightnin’ Hopkins, So blue blues de T-Bone Walker, Harvard blues de Count Basie chanté par Jimmy Rushing.
Les blues à refrain apportent une variante : les quatre premières mesures (couplet) changent à chaque chorus, alors que les huit autres (refrain) se répètent. Souvent ces blues comportent des passages avec breaks solo ainsi qu’on l’entend dans les titres venant en exemples You ain't so much a much et Bachelor’s blues de Cousin Joe, The Lady in bed de Lips Page. En fait, le bluesman peut ne pas recourir aux breaks solo et donc chanter en continu : Just a dream de Big Bill Broonzy, Stop breaking down de Sonny Boy Williamson. Il peut aussi modifier l’importance du couplet et le porter à 8 mesures : I’m not the lad de Washboard Sam, Railroad porter blues d’Eddie Vinson.
Quelques fois, le blues adopte une structure de 8 mesures, la première phrase n’étant pas répétée (donc AB) selon le modèle de How long how long blues de Leroy Carr et Nobody in mind de Big Joe Turner. Là encore, la phrase B peut devenir un refrain comme dans le fameux Torride Lite blues de Big Maceo. Sont également évoqués le blues de 16 mesures, le blues dédoublé avec Stump blues de Big BilI Broonzy en exemple, et aussi les formes plus complexes tel Saint Louis blues, de Bessie Smith, qui comporte trois thèmes : un ique blues de 12 mesures chanté deux fois, un thème de 16 mesures et un second blues de 12 mesures diffèrent du premier.
Le CD se termine avec Bottom blues d’Albert Ammons dans lequel apparaissent en solo. Vic Dickenson et Hot Lips Page qui jouent le blues de façon empoignante alors que leur collègue Don Byas, pourtant éminent jazzman, ne possède pas l’accent ni le feeling.
(André Vasset)
Chronique publiée dans le Bulletin HCF N° 566 (Nov-Déc 200) p.14/15
Frémeaux publie deux CD précieux à vocation pédagogique différant de la production courante et s’adressant aux amateurs désireux de parfaire leurs connaissances. Le plus souvent, le public apprécie la musique en ignorant les détails de sa structure et de son fonctionnement, mais l’amateur passionné cherchera à approfondir la question aussi l’initiation proposée est-elle bienvenue. D’autant qu’elle a été confiée à Jacques Morgantini qui explique toutes les nuances avec sa maestria habituelle. Frémeaux ne pouvait trouver meilleur guide.
Bien sûr, il ne suffira pas de lire en vitesse les explications du très copieux livret et d’écouter de même les plages du CD pour devenir un spécialiste. Il faudra prendre le temps d’assimiler ces subtilités pour ensuite profiter pleinement de la musique en l’écoutant encore mieux.
SAVOIR ÉCOUTER LE JAZZ
(Frémeaux & Ass FA 5182)
Cette initiation à l’écoute du jazz sera appréciée aussi bien par l’amateur nouveau venu que par celui qui jusque-là s’est contenté d’une écoute bienveillante mais superficielle. En douze pages du livret, Jacques Morgantini fournit l’essentiel des bases indispensables. Après avoir évoqué les origines du jazz, ses caractéristiques (rythme, mélodique, swing, improvisation), la composition et le fonctionnement d’un orchestre, le professeur entre dans les détails et en arrive aux travaux pratiques. Les enregistrements alignés sur le CD illustrent chacun des points examinés.
Les commentaires et l’écoute débutent avec le Nouvelle-Orléans et l’improvisation collective sur e modèle de Gettysburg March de Kid Ory. Pour la même rubrique, dans un registre magistral, Louis Armstrong intervient avec l’éblouissant Potato head blues et son fameux stop chorus ; ensuite se trouve un moment rare d’improvisation à cinq avec Oh Didn’t He Ramble de Jelly Roll Morton.
Très rapidement les grands orchestres se multiplièrent et nécessitèrent le recrutement d’un arrangeur pour organiser la musique des différentes sections où vont s’insérer les interventions des solistes. Duke Ellington se révèle un maître dans l’art de modeler la matière sonore, exemple Dusk.
Il convient de rappeler que, dans les années 20, les interprétations étaient souvent plus élaborées qu’elles ne le devinrent ensuite. Outre le refrain, les musiciens utilisaient alors fréquemment le couplet (verse), pratique qui a quasiment disparu. De surcroît, il n’était pas rare que plusieurs thèmes se succèdent dans un même titre. Par ailleurs, il faut noter également que des procédés typiques sont tombés en désuétude : stop chorus, interlude, breaks... A propos du recours aux breaks (phrases jouées sans accompagnement) qui pimentent de manière excitante les interprétations, plusieurs exemples sont proposés C Jam blues de Duke Ellington, Kaiser’s last break de Mezzrow-Bechet, The King de Count Basie, Bye and bye de Louis Armstrong, Star dust de Lionel Hampton, Wild Man blues de Sidney Bechet.
Les interprétations sont basées sur un thème à partir duquel se développe l’improvisation en respectant la structure harmonique. Certains morceaux comportent plusieurs thèmes tel Black and tan Fantasy de Duke Ellington (thèmes de 12, 16 et 12 mesures). Les morceaux les plus communément employés, outre le blues, sont les thèmes de 32 mesures avec pont (AABA) : Doggin’ around et Rock-a-bye Basie de Count Basie, Wednesday night hop d’Andy Kirk, Christopher Columbus de Fletcher Henderson, Riding on 52nd Street de Coleman Hawkins (ce dernier titre utilise exceptionnellement le couplet). Il existe bien d’autres formes, notamment des 16 mesures avec pont (Dusk et Stompy Jones de Duke Ellington), des 32 mesures sans pont (Sidewalks of New York et Margie de Duke Ellington), des 16 mesures sans pont (Portrait al the Lion de Duke Ellington), des 16 mesures avec queue (Baby won’t you please come home de Louis Armstrong), etc.
Les informations brillamment prodiguées par Jacques Morgantini dans le livret (notamment le déroulement de chacun des enregistrements est minutieusement détaillé) mises en lumière par la musique du CD feront forcément progresser l’amateur dans sa connaissance du jazz.
André Vasset
par Eddy DETERMEYER
The University of Michigan Press, 2006. (23,5 x 16 cm).
331 pages. 26 photos noir & blanc hors texte. Relié avec jaquette. En anglais.
ISBN 0-472-11553-7
Chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 562 (Juin 200) p. 27-30
Eddy Determeyer, journaliste et homme de radio d’origine néerlandaise, consacre un passionnant ouvrage au parcours et à l’oeuvre d’un des plus prestigieux orchestres de l’histoire du jazz. Disposant d’une masse impressionnante d’archives, de documents et de témoignages, l’auteur retrace avec minutie la vie de Jimmie Lunceford (1902-1945) et des musiciens qui l’ont accompagné tout au long de sa carrière. Il analyse également les enregistrements les plus importants et dresse, en fin de volume, une précieuse discographie qui fournit à l’amateur dates, lieux, personnels, éditions originales et rééditions (LP et CD).
Notes et index complètent comme il se doit cette biographie de Lunceford qui « propose une vue particulièrement complète du monde de ce personnage unique en rassemblant de multiples témoignages, anecdotes et opinions... Un livre essentiel absolument remarquable ».
Alain Carbuccia
NEW SPIRIT, «GLORY GLORY HALLELUJAH »
(Ebony EGCD 2011 - Ebony Gospel records, 3 av. Florimont, CH-1820)
Chroniqué dans le Bulletin du HCF N° 540 (Février-Mars 2005) pages 16/17
We are climbing Jacob’s ladder, Songs that brought us through, Glory glory hallelujah, Joshua fit the battle of Jericho, Motherhess child, I can tell the world about this, Ev’ry time I feel the spirit, I’ve got to praise his name, Songs of inspiration, Piano spiritual trilogy, Spirit.
Ce groupe féminin, basé à Philadelphie, haut lieu de la musique religieuse, n’a pas encore rendu visite à l’Europe, ce devrait être fait le cette année. New Spirit réunit huit chanteuses (dont deux utilisent basse et batterie) sous la direction de Carol Frazier, ex-membre des Stars of Faith, qui tient le piano et l’orgue.
L’album, enregistré les 3 et 9 octobre 2004, débute en trombe avec We are climbing Jacob’s ladder où se succèdent presque toutes les solistes, d’abord Carol Frazier seule chante d’une belle voix grave puis est relayée par Joy Anderson, fougueuse et vibrante, ensuite par Louise Flemming avec mordant et véhémence, alors que le chœur s’anime de plus en plus, Carol Frazier revient alors au premier plan enfin Nneka Best apparaît avec virulence pour une conclusion s’achevant en fading.
Le medley Songs that brought us through enchaîne quatre titres: We’ve come this far by faith, chanté avec recueillement par l’ensemble puis Joy Anderson intervient sur I’ve decided ta make Jesus my choice soutenue par le piano et suivie par ses partenaires, elle passe ensuite à Lord keep me day by day, alors surgit Nneka Best, la voix la plus haute, décidément parfaite pour terminer dans la ferveur intense, stimulée par le chant et les claquements de mains du groupe. Dans l’autre medley, Songs of inspiration, intervient d’abord Joy Anderson au vocal incisif et convaincant dans Wonderful counselor et One day, la tension monte d’un cran avec Louise Flemming pour Since I laid my burdens down enfin Send it on down revient à Nneka Best qui, bien sûr, achève d’enflammer l’interprétation. Cette dernière prend, par ailleurs, la direction de Glory glory hallelujah, toujours de manière impétueuse et vibrante.
Le chœur, dans son ensemble, interprète I can tell the world about this avec subtilité, éclat et suspense, il donne aussi, a cappella, une version assez renversante de Joshua fit the battle of Jericho. Autre spiritual très connu, Motherless child, est dévolu à Joy Anderson seule qui s’exprime avec un accent dramatique sur un foisonnant accompagnement d’orgue et de piano. La directrice Carol Frazier est la vedette de I’ve got to praise his name cependant que ses chanteuses lui fournissent un fond sonore d’une étonnante intensité. Une autre soliste, Chiquita Green, se manifeste dans Ev’ry time I feel the spirit, très syncopé, sur lequel elle s’exprime d’une voix précise, un peu statique et néanmoins ardente alors que le lui propose un background chaleureux. Elle interprète également Spirit, avec répliques drues et impératives de ses consœurs. Piano spiritual trilogy, medley purement instrumental, fait entendre Carol Frazier au piano dans Ol’e time religion et au piano et à l’orgue dans This little light of mine et Soon I will be done with the troubles of the world.
André Vasset
Chroniqué dans le Bulletin du HCF N°541 (Avril 2005) page 24.
Extraits de la chronique de Jacques Canérot du Hot Club de France
Observant que les DVD de concerts jusqu'alors trouvables concernaient seulement les quinze dernières années de la vie de Ray Charles, bien des amateurs commençaient à douter de la parution de documents relatifs, sinon aux débuts de l'artiste, du moins à ceux de sa consécration internationale. Ce vidéodisque est de nature à combler leur attente : le 22 septembre 1963, veille de son trente-troisième anniversaire, Ray Charles donnait à Sao Paulo deux récitals retransmis par la télévision brésilienne….
….Au total, un DVD indispensable pour la qualité de la musique et du spectacle, la rareté du document et sa valeur de témoignage ; ceux qui n'ont connu que le Ray Charles des récentes décennies y trouveront un écho fidèle de ses premiers concerts en France au début des années 60, d'autant que la formation présente quelques similitudes avec celle qui se produisit à l'Olympia de Paris en mai 62. Si l'on admet que d'autres concerts de Ray Charles ont dû être télévisés lors de ses multiples tournées mondiales, souhaitons que celui de Sao Paulo suscite d'autres parutions, la sortie du film Ray * de Taylor Hackford ne peut que pérenniser l'intérêt pour l'art et la personnalité du « Genius ».
PAUL CHÉRON SEXTET
« BLACKSTICK » TBB Records 120, distribution Jazzophile-Jazztrade
Blackstick, Le Marchand de poissons, I had it but it’s all gone now, Polka dot stomp, I keep calling your name, What a dream, Egyptian fantasy, Georgia cabin, Quincy Street stomp, Little creole lullaby, Swing parade, Promenade aux Champs-Elysées, Old Stack O’ Lee blues, Spreading joy.
Le cher Paul Chéron, qui nous a gratifiés ces dernières années d’une belle série d’albums de son fameux Tuxedo Big Band, nous propose de l’écouter swinguer en petite formation comme du temps de son Banana Jazz, voilà plus de dix ans. Ces enregistrements récents (20 et 21 décembre 2004), sur des thèmes signés Sidney Bechet, ne pâlissent aucunement de la comparaison avec Soprano Summit de Bob Wilber et Kenny Davern. Paul Chéron et Jean-François Bonnel jouent de la clarinette et du soprano appuyés sur une rythmique attentive : Thierry Ohé au piano, Henri Chéron à la guitare, Pierre-Luc Puig à la contrebasse et Guillaume Nouaux à la batterie, tout ce joli monde appartient aussi au grand orchestre. La musique sonne fort agréablement, mais les parties des deux souffleurs ne sont guère séparées. Leur parenté de et d’esprit et leur excellence rendent l’identification délicate car les informations du boîtier restent muettes à ce sujet. Heureusement Henri Chéron était là pour confirmation.
Le disque s’ouvre avec Blackstick, après la traditionnelle introduction opéra bouffe, Paul Chéron et Jean-François Bonnel, tous deux à la clarinette, exposent le thème comme un seul homme. La communion de langage apparaît pleinement lors du dialogue en 8/8 qui débute avec Jean-François. On apprécie le robuste drumming de Guillaume Nouaux, très Zutty, qui apporte une coloration aussi rare que bienvenue à cette superbe interprétation.
On retrouve les deux clarinettes dans quatre autres p1ages, dont deux sur d’alertes tempos moyens : le superbe Polka dot stomp le thème à deux voix, les solos reviennent à Paul, puis à Jean-François et Thierry Ollé) et Spreading joy (thème, dont un passage renvoie aux Oignons) Paul prend deux chorus, Thierry un, Jean-François deux, échange entre la batterie et les deux clarinettes Paul commençant, chorus final des deux souffleurs, côte à côte, anche contre anche. Les deux complices s’expriment dans un très voisin, peut-être Paul paraît-il plus chaleureux et Jean-François plus audacieux. En tempo lent, dans Egyptian fantasy, après les deux thèmes en duo, Bonnel intervient en stop chorus sur le premier et Chéron de même sur le second. Le fort prenant Old Stack O’Lee blues fait survenir en solo successivement Paul Chéron, Thierry Ollé, Jean-François Bonnel, accompagné d’abord par la seule contrebasse, et Pierre-Luc Puig sur une pulsation de guitare.
Pour varier les plaisirs, Paul Chéron adopte le soprano dans la plupart des plages restantes. Ainsi, on le trouve, flamboyant, dans Quincy Street stomp brillamment secondé par la clarinette de Jean-François Bonnel ; piano, clarinette, soprano et batterie prennent ensuite un chorus en solo. La même organisation se retrouve berceuse Little creole lullaby qui se déroule dans un climat plein de tendresse. Dans Le Marchand de poissons, Chéron joue les deux thèmes au soprano, Bonnel le secondant à la clarinette, puis ii poursuit avec deux chorus, le premier avec contre-chant de clarinette, ensuite Bonnel surgit au soprano lui aussi pour un chorus, après le piano les deux sopranos dialoguent Paul commençant puis jouent ensemble, après le chorus de batterie ils reviennent conclure.
Se trouvent aussi deux plages en duo de soprano: I had it’s all gone now, dans lequel Paul mène et laisse ensuite le lead à Jean-François après le passage de contrebasse et Swing parade, à l’accent triomphant et au stimulant zutting de batterie, après le chorus de piano avec pont à la guitare, Paul conduit le chorus suivant et Jean-François le dernier.
Comme Jean-François Bonnel a plus d’un instrument dans son étui, il va également en extraire une trompette pour trois interprétations. Dans I keep calling your name, à l’accent nostalgique, Paul utilise la clarinette, il termine sur un chorus délicat, plein de feeling, précédé d’un excellent chorus de piano. Paul revient au soprano dans What a dream, il joue d’abord le thème avec pont par la trompette, puis les rôles s’inversent, ensuite chorus de soprano, de trompette et de piano, puis les deux souffleurs terminent en force après un bref dialogue et bien stimulés par la rythmique. Dans Promenade aux Champs-Elysées, comme précédemment le thème est joué avec Paul en leader au soprano puis une seconde fois avec Bonnel en leader, ensuite soprano, piano et trompette prennent chacun un chorus.
Les deux souffleurs sont absents de Georgia cabin consacré à Thierry Ollé qui montre une fois encore qu’il a atteint un niveau vraiment respectable. Voilà donc un superbe disque!
André Vasset
KIRK FLETCHER « SHADES 0F BLUE »
(Delta Groove DGPC 101)
Blues for Boo Boo, Bad boy, Welfare blues, Don't go no further, Club Zanzibar, Thats why l am cryin', Worried man blues, Country giri, Down home woman, Stranded in St. Louis, Little by little, My home is a prison. The River's invitation, Hip hug her.
Bonus tracks : You don't know, Club Zanzibar, Don't go no further.
Cette séance de ce jeune bluesman (27 ans lors de l'enregistrement) s'est déroulée en janvier et février 2003 pour le label Crosscut Records et a été rééditée en 2004 pour Delta Groove. Il est accompagné par, soit Jeff Turmes, soit Ronnie James Weber à la guitare basse, Red Young au piano ou à l'orgue, Kenny Sara ou Richard « Big Foot » Innes à la batterie. L'harmoniciste et chanteur Kim Wilson intervient dans six plages, le chanteur Finis Tasby dans quatre et la dernière vocaliste Janiva Magness dans cinq autres.
Même si ce recueil comporte des faiblesses, c'est une réussite par la qualité du jeu de guitare de Kirk Fletcher et par l'excellence de la section rythmique. La différence entre les deux batteurs est énorme : Kenny Sara a un drumming peu souple et manquant de timing alors que Innes est formidable de swing et est pour beaucoup dans la qualité du CD. C'est un batteur blanc inspiré des meilleurs batteurs de blues à savoir Fred Below, Odie Payne, Sonny Freeman et Earl Palmer.
Allons à l'essentiel pour dire que Welfare blues de Jimmy Dawkins est un petit bijou et constitue le sommet de l'album. Le morceau est pris en tempo lent avec un solo de guitare sandwiché par deux interventions de deux chorus chacun du chanteur Finis Tasby. Tout est de premier ordre et c'est le type d'interprétation qu'on réécoute avec le même plaisir. L'ombre de B.B. King plane tant pour Tasby que Fletcher (la pochette du CD nous apprend que l'album de King 'Live at the Regal' a été une référence pour notre artiste). L'inspiration principale de Kirk Fletcher est donc du côté de celui qui a eu et a la plus forte influence sur les guitaristes. Fletcher n'est pas seulement un excellent soliste mais sait aussi nourrir le chant de Tasby dans ce même blues et dans Down Home woman.
Bad boy, Country girl, Club Zanzibar (climat à la Little Walter), Down home woman, Stranded in St. Louis sont également de valeur et My home is in prison au climat pesant fait penser à John Lee Hooker. Il y aurait beaucoup d'autres choses à dire mais terminons par la qualité de la section rythmique en citant comme exemple Country girl et Bad boy, la pulsation redoublant d'effort après les vocaux de Kim Wilson (fort bon à l'harmonica par ailleurs).
Beaucoup d'amateurs ont été refroidis ces derniers temps par des prestations ou enregistrements laissant à désirer (morceaux peu palpitants, rythmique lourdingue, etc.) et seront ravis d'écouter du vrai blues avec en prime un jeune artiste qui s'exprime dans la tradition tout en gardant sa personnalité. Chers lecteurs du Bulletin ce CD est pour vous !
Jean LABAYE.
Chroniqué dans le Bulletin du HCF N° 550 (Février 2006) page 25/26
Storyville, dont le travail au service du jazz est à souligner, est en train de publier une très belle série de neuf CD — nous en sommes au 8e — concernant les enregistrements publics de l’immense pianiste qu’est Art Tatum. La moitié environ de ces enregistrements était parue en microsillons, sous de petites marques plus ou moins confidentielles comme Aircheck, Shoestring, Standard, Alamac et j’en passe. L’autre moitié est apparemment inédite, certaines .sessions n’étant même pas répertoriées dans l’ouvrage qui fait autorité en la matière : « Art Tatum — A guide to his recorded music » d’Arnold Laubich et Ray Spencer (Ed. Scarecrow Press). C’est donc un complément inestimable aux enregistrements en studio Decca —Brunswick, Verve, Capitol, etc., pour tous ceux qui se passionnent pour The Greatest of Them Ail. Et ils sont nombreux!
Pour les autres, à chacun de juger car on retrouve dans ces disques beaucoup de thèmes déjà enregistrés plusieurs fois par Tatum. Ce n’est cependant jamais inintéressant, car Art improvisait beaucoup d’une interprétation à l’autre et, à l’exception de quelques morceaux « figés » comme Humoresque, les thèmes sont souvent renouvelés de fond en comble. Il y a aussi un défaut qui peut gêner l’amateur non spécialisé, c’est qu’en général plus on racle les fonds de tiroir, plus la qualité technique se dégrade mais rassurez-vous, cela ne va jamais jusqu’à l’inaudible.
Pour ceux qui hésiteraient à acheter la série complète, il y a quand même quelques petites merveilles qui méritent le détour. C’est le cas des interprétations en trio — celui avec Tiny Grimes — contenues dans les deux premiers volumes. Mais pour tous les mordus qui n’ont pu acquérir les microsillons fantômes évoqués ci-dessus, cet ensemble est d’autant plus intéressant.
La présentation de chaque CD est très bien faite, les auteurs ayant eu la bonne idée non seulement de s’adjoindre Arnold Laubich comme conseiller et coordinateur, mais aussi d’utiliser sa numérotation discographique, ce qui évite toute confusion, redite, doublon... etc. Pour les inconditionnels du grand pianiste, dont je fais partie, voilà un travail de "salubrité publique "
Dominique Brigaud
Introduction by Ralph Sutton, Honeysuckle rose, Love lies, Echoes of spring, Everything happens to me, My blue heaven, Medley: Squeeze me, Ain’t misbehavin’, S’Posin’, Medley: Sophisticated Lady, I let a song go out of my heart, Ring dem bells, Viper’s drag, Just one of those things, I’m gonna sit right down and write myself a letter.
Ce disque est un enchantement. Le grand pianiste, au clavier du Bösendorfer, chantonnant, nous donne la plus fraîche et la plus vigoureuse musique qui soit, accompagné par l’indispensable Michael Silva, en 1988 à Amilly (Loiret) dans le cadre d’un concert organisé par le Hot Club du Gâtinais. Honeysuckle rose révèle d’emblée le toucher rond et ferme, la musicalité de Sutton. Ses introductions, souvent hors tempo, sont autant de mises en situation musicales qui rendent évident le tempo choisi et préparent notre plaisir. L’interprétation suivante, très lyrique, balance avec un swing souple. Echoes of Spring est plus allègre que ne le jouait Lhotzky mais moins poétique, l’ornementation est aussi différente. Le phrasé contrasté du pianiste, où l’on sent sous la douceur force retenue, trouve un écho constant dans l’accompagnement de Michael Silva: précision des accentuations, netteté du jeu aux balais, rapidité des réactions aux trouvailles de Ralph Sutton, cette batterie est toujours aérée, sans aucune surcharge, comme pourrait y être tenté un mauvais batteur soucieux d’occuper le terrain. Le duo Sutton-Silva fonctionne à merveille, sans à-coups, comme si les deux musiciens se connaissaient depuis longtemps, ce qui n’était pas le cas.
Toutes les interprétations sont belles le goût de l’auditeur lui fera préférer telle ou telle, le joli phrasé de Squeeze me ou Silva dans Ring dem bells, tel passage en stride ou le fantôme de Fats dans I’m gonna sit... Les deux derniers morceaux ont été captés pendant une répétition.
Pour enrichir votre audition de ce disque je vous suggère de (re)lire l’article de Jean-Marc Berlière consacré à ce concert et à la rencontre de nos artistes (Bulletin 380), ainsi que la nécrologie de Sutton faite par Louis Mazetier (Bulletin 529).
Nous avons beaucoup de disques de Ralph Sutton. Celui-ci est certainement un des meilleurs. L’enregistrement est transparent, mais la batterie aurait gagné à plus de niveau, la balance de votre amplificateur pourra y remédier.
Daniel Janissier
Frémeaux & Associés pour
CLAUDE BOLLING "COLLECTOR"
Coffret de 4 CD
Frémeaux & Associés FA 514
CD 1: Ellingtonia, With Rex Stewart, Grand Club Orchestra plays Ellington
CD 2: New Orleans Promenade, With Roy Eldridge, Grand Club Orchestra plays New Orleans
CD 3: Grand Club Orchestra plays Django Reinhardt, Grand Club Orchestra plays Claude Bolling's Originals
CD 4: Entretien avec Claude Bolling par Daniel Nevers et Patrick Frémeaux (29 Janvier 2003)
CD I : Let the lower lights be burning, There’s a fountain filled with blood, What a friend we have in Jesus, Amazing grace, I want Jesus to walk around my bedside, Royal telephone, Milky white way, His eye is on the sparrow, Wedding ceremony : Announcements/Because, Marriage prologue & benediction/Prayer, Wedding ceremony, Gospel train, Thank you Jesus, God don’t like it, So high
CD 2 : Come unto me, Have a little talk with Jesus, Tell him you saw me, When I first sought the Lord changes, The last mile of the way, Peace in the valley, Near the cross, In the garden, Let’s talk about Jesus, Old landmark, Pressing on, Never let go his hand, All alone with Christ the Lord, Let’s go on, I’ll meet you over yonder, How well do I remember, I just couldn’t be contented, Crying in the chapel, There’s peace in Korea, Feed me Jesus, Smile it through
Frémeaux & Associés pour
L'INTÉGRALE DJANGO REINHARDT
20 Coffrets de 20 CD
Frémeaux & Associés FA 301 à FA 320
Frémeaux & Associés pour
L'INTÉGRALE MAHALIA JACKSON
4 Coffrets de CD simple parus (à suivre)
Frémeaux & Associés FA 1311 à FA 1314
CD 1 (FA 1311): God's gonna separate the wheat from the tares, Oh my Lord, Keep me everyday, God shall wipe all tears away, I want to rest, He knows my heart, Wait until my changes come, I'm going to tell God, What could I do, Move on up a little higher (1 & 2), Even me, I have a friend, Dig a little deeper, Tired, If you see my saviour, In my home over there (x2), Amazing grace (x2), Since the fire started burning in my soul
CD 2 (FA 1312): Dig a little deeper, There's not a friend like Jesus, I can put my trust in Jesus, Let the power of the Holy Ghost fall on me, Child of a king, Get away Jordan, Walk with me (x2), Prayer changes things, Shall I meet you over yonder, The last mile of the way, Just over the hill (1 & 2), I do don't you, God answers prayers, I'm glad salvation is free, Do you know him, I'm getting nearer my home, I gave up everything to follow him, It pays to serve Jesus, These are they, He's the one
CD 3 (FA 1313): I walked into the garden, Bless this house, Go tell on the mountain, Silent night holy night, The Lord's prayer, Closer to me, How I got over, Just as I am, Jesus is with me, I bowed on my knees, City called Heaven, It is no secret, His eye is on the sparrow, God spoke on me, In the upper room (1 & 2), Said he would, He's my light, If you just keep still
CD 4 (FA 1314): I'm going down to the river, One day, I believe, Beautiful tomorrow (1 & 2), Consider me, What then, Hands of God, It's real, No matter how you pray, My cathedral, Walking to Jerusalem, I wonder if I will ever rest, Come to Jesus, Didn't it rain, I'm on my way to Canaan (1 & 2), My story, Run all the way, Nobody knows the trouble I've seen (x2)
(à suivre)
Close your eyes, Too late Now, Quasimodo, Lover come back to me, Dream dancing, Blue Lou, Some other time, You're a lucky guy, You're all the world for me, What’s new, l'm shooting high, Not exactly Paris.
Enregistré en mai 2003, voilà un disque comme on en fait bien rarement de nos jours: pratiquement pas de déchet, des solistes inspirés, une rythmique swingante, le tout dans une ambiance purement "jazz" tout au long de cette séance.
Warren Vaché est un remarquable trompettiste (cornettiste serait plus exact), d'une technique à couper le souffle, qui a miraculeusement échappé aux courants progressistes et n'a cessé de s'exprimer dans le plus pur langage du jazz, tout en forgeant son propre style, original et personnel, indice d'une forte individualité musicale. Par l'imagination, l'élégance de ses développements mélodiques, il appartient à la famille des Buck Clayton et autres Bill Coleman, mais sa virtuosité et sa rapidité d'exécution font également penser à Ruby Braff et plus encore à Charlie Shavers dont il n'est pas loin d'égaler l'extrême agilité et la précision (Blue Lou, You're all the world for me). En y ajoutant une belle sonorité moelleuse et sensible, parfaitement contrôlée dans tous les registres, vous comprendrez que l'on se trouve devant un trompettiste d'exception, d'un jazzman hors pair, toutes époques confondues.
En dehors des qualités propres au leader, le soutien d'une fort belle section rythmique n'est pas pour rien dans la réussite de cette séance d'enregistrement. Eddie Locke à la batterie, le doyen de l'équipe, fournit une partie dansante, d'une finesse et d'une élégance rares, dont l'apparente discrétion n'égale que la swing efficacité. Au piano, Bill Charlap dont le style "lacunaire" pourrait dérouter certains, apporte en réalité aux solistes un excellent soutien grâce à des harmonies subtiles et toujours appropriées; quant à ses solos, ne vous arrêtez surtout pas à une certaine apparence moderniste qui cache parfois une mise en place précise et des développements habiles toujours proches de la mélodie (You're a lucky guy). Dennis Irwin, à la contrebasse, complète de façon sûre et attentive cette section par ailleurs fort bien enregistrée.
Dans quatre des interprétations, le saxophoniste ténor Henry Allen vient se joindre au quartet. Cet encore jeune musicien - il n'a pas atteint la quarantaine - avait déjà fait forte impression, lors de son apparition sur la scène du jazz, au tout début des années 80. Son style est largement inspiré de Ben Webster et de Paul Gonsalves, avec un zeste de Don Byas, ce qui est suffisamment rare à notre époque pour devoir être souligné. Sa sonorité n'est sans doute pas aussi ample et belle que celle de ses aînés, mais son entente avec Warren Vaché, tant dans les contrechants qu'en "chase", est remarquable. Ses solos de Dream dancing et surtout de What’s new sont fort bien construits et racontent une histoire.
Les thèmes utilisés dans ce disque proviennent en grande partie du répertoire de la comédie musicale, comme le charmant I'm shooting high que Louis Armstrong avait enregistré en 1935. A l'exception de deux ou trois standards comme Lover come back to me ou Blue Lou, la plupart sont rarement joués, sans doute en raison de structures inhabituelles, telles que les 52 mesures du chorus de Dream dancing ou les 36 de You're all the world for me, qui déroutent quelque peu Bill Charlap au début de son solo.
Comme indiqué au début de cette chronique, il n'y a vraiment pas beaucoup de déchet dans ce remarquable album, si ce n'est une ballade quelque peu soporifique (Some other time) prise dans un tempo trop lent et Lover come back to me où les solistes ne trouvent pas leur niveau habituel d'inspiration. Même le thème tarabiscoté de Quasimodo, écrit par Charlie Parker, se trouve comme transfiguré tant Warren Vaché sait donner un accent jazz aux clichés les plus boppisants. Mais la palme revient aux étincelantes interprétations que sont Blue Lou et You're the world to me, ainsi qu'au swingant You're a lucky guy avec sa coda puissamment riffée et le très dansant et mélodieux Dream dancing qui donne fort justement son titre à ce superbe recueil.
Dominique Brigaud
ILLINOIS JACQUET QUARTET LIVE AT SCHAFFHAUSSEN, SWITZERLAND 18/3/1978
(Storyville 101 8357)
Chroniqué dans le Bulletin du HCF N° 533 (Juin 2004) page 25
Dans cet enregistrement en concert, deux grands musiciens, Illinois Jacquet et Hank Jones sont en vedette, soutenus par l’efficace et inventif batteur J.C. Heard et par le bassiste George Duvivier. Ce dernier, qui n’a d’ailleurs ni la musicalité ni la mise en place d’un Blanton, est le point noir de ce très beau CD car sa basse, exagérément amplifiée ou mal enregistrée, gêne parfois l’audition des solistes. Les morceaux qui lui sont dévolus (Jack the Bear et George’s blues) en sont totalement gâchés. La part d’ombre évacuée, tout le reste est du plus haut niveau, ce qui ne saurait étonner de la part de musiciens de cette trempe, de plus très en forme ce soir-là avec certainement un très bon public.
Hank Jones est seul soliste dans A sentimental mood et Salin doll (seule interprétation bissée). Une merveille. Sauf ceux de Duvivier et un excitant Cute pris en main par J.C. Heard, le reste est pour Jacquet, au sommet de son art. Tout y est, l’aisance, la technique, l’expression, l’impeccable développement des idées, toutes plus belles les unes que les autres, jouées avec un swing impérieux. Le solo de Things ain’t what they used to be, Blues from Louisiana joué avec un suprême abandon, le malicieux I wanna blow, blues dans lequel il chante avec un swing enthousiasmant, B1ue and sentimental dans lequel apparaît sa filiation avec Herschel Evans. Tout serait à citer; tout ce que fait Jacquet est à écouter. C’est un plaisir de parler ensuite d’une telle musique.
Henri Sofroniades
PRIX MUSICIENS FRANÇAIS DE JAZZ 2004
MICHEL MARDIGUIAN & JACQUES MONTEBRUNO
(Clarinet Connection)
“IF I HAD YOU”
Disque autoproduit
Chroniqué dans le Bulletin du HCF N° 534 (Juillet/Août 2004) page 25
If I had you, As I live, Blues in the air, Nagasaki, A smo-oth one, Louisiana, The Mooche, Waste no tears.
L’excellent clarinettiste Michel Mardiguian que l’on eut, notamment l’occasion d’apprécier au sein des Louis Ambassadors d’Irakli, a fondé depuis longtemps le groupe Clarinet Connection (deux clarinettistes devant une rythmique) qui eut une vie épisodique avec des participants différents. Actuellement, il réunit Michel Mardiguian et Jacques Montebruno (cl), Laurent Bajata (g), Claude Quibel (b) et Philippe Merville (d) un quintette qui a enregistré, en juin 2003, les remarquables interprétations de ce CD.
Michel Mardiguian et Jacques Montebruno possèdent ce son chaleureux que l’on n’a plus guère l’opportunité d’entendre aujourd’hui et ils soufflent avec une connivence primesautière, chacun dans son propre , Mardiguian puissant genre Bechet, Montebruno doux genre Jimmie Noone. La prise de son les sépare fort peu, même si Montebruno sort plutôt par le haut-parleur de gauche et son compère à droite. La rythmique accomplit discrètement son travail avec un guitariste qui apporte une coloration Django, inattendue et bienvenue. Il prend quelques solos, autrement ce sont les clarinettes qui se tiennent constamment au premier plan.
Sur des tempos agréables, Montebruno assure le plus souvent la première voix lors des exposés, Mardiguian conjugue la seconde voix avec pertinence. Ainsi dans If I had you, après quoi Laurent Bajata prend un chorus de guitare délicieusement fleuri, dans le chorus suivant les deux clarinettes alternent Montebruno commençant, et on termine sur une reprise du thème. Sur un semblable tempo semi lent, le premier thème de Blues in the air est conduit par Montebruno, le thème se partage entre Mardiguian et Montebruno, ensuite trois chorus : Mardiguian (superbement développé), Bajata, Montebruno, puis retour au thème. Les trois thèmes de The Mooche sont par Mardiguian à l’accent éclatant, ensuite Montebruno prend deux chorus chargés d’émotion (blues en mineur), Bajata (2 chorus), Mardiguian (un chorus) et retour aux thèmes.
Waste no tears, seul morceau lent de l’album, est tout au long joué nonchalamment à deux voix, Mardiguian conduisant de façon vibrante (dans ce seul titre le guitariste est Didier Court). Trois agréables interprétations utilisent un tempo moyen, les thèmes sont exposés en duo avec Montebruno en leader, les chorus suivants revenant — dans As long as I live à Montebruno (dansant, aérien), le suivant partagé entre Bajata et Mardiguian, riffs - dans A smo-oth one échange 4/4 pleins de vivacité entre Bajata et Mardiguian, Montebruno, riffs avec pont par Mardiguian - dans Louisiana (avant le thème, le couplet est joué à l’unisson) Montebruno qui se promène avec aisance, Bajata, Mardiguian plein de contrastes seul avec la basse, retour au couplet et thème. Une seule plage se déroule sur tempo vif, Nagasaki, Montebruno reste leader dans l’exposé puis les chorus se répartissent en dialogue 4/4 Mardiguian/Montebruno, Bajata, riffs avec réponses de la basse, riffs avec réponses de la batterie et retour au thème.
Ce remarquable album par une formation de composition particulièrement séduisante est disponible auprès de Michel Mardiguian, 2 allée des Châtaigniers, 78470 St Rémy les Chevreuse.
André Vasset
Undecided, The man I love, Oh, lady be good, Nice work if you can get it, Take the A train, Blue violin, They can’t take that away from me, Somebody loves me, S’ wonderful, Nice and warm, Strike up the band.
Extraits de la chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 537 (Mars 2004), page 22.
- THE AMERICAN FOLK BLUES FESTIVAL 1962-1966, Volume 1
(Universal Music - Hip-O Records 986092.6):
( Universal Music - Hip-O Records 986092.7):
Bien que ces deux DVD soient vendus séparément, ils sont complémentaires :
plusieurs artistes figurent à la fois sur l'un et sur l'autre - dans des contextes différents - et les emprunts aux diverses tournées de l'AFBF se répartissent
sur les deux volumes. Il s'agit là d'éditions précieuses à plus d'un titre : ces documents étaient introuvables depuis quatre décennies ; ils présentent des artistes dont les images sur scène, pour nombre d'entre eux, sont peu répandues ; la reproduction est soignée et l'information des livrets précise, abondante et illustrée ; enfin ces volumes portent témoignage sur une époque où les bluesmen étaient conviés plutôt chichement en Europe.
Deux volumes indispensables, présentant des artistes de premier plan qui contribuèrent à l'élargissement - sans doute même au renouvellement - de l'intérêt pour le blues en Europe.
Jacques Canérot
Extraits de la chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 537 (Mars 2004), page 22.
- THE AMERICAN FOLK BLUES FESTIVAL 1962-1966, Volume 1
(Universal Music - Hip-O Records 986092.6):
( Universal Music - Hip-O Records 986092.7):
Bien que ces deux DVD soient vendus séparément, ils sont complémentaires :
plusieurs artistes figurent à la fois sur l'un et sur l'autre - dans des contextes différents - et les emprunts aux diverses tournées de l'AFBF se répartissent
sur les deux volumes. Il s'agit là d'éditions précieuses à plus d'un titre : ces documents étaient introuvables depuis quatre décennies ; ils présentent des artistes dont les images sur scène, pour nombre d'entre eux, sont peu répandues ; la reproduction est soignée et l'information des livrets précise, abondante et illustrée ; enfin ces volumes portent témoignage sur une époque où les bluesmen étaient conviés plutôt chichement en Europe.
Deux volumes indispensables, présentant des artistes de premier plan qui contribuèrent à l'élargissement - sans doute même au renouvellement - de l'intérêt pour le blues en Europe.
Jacques Canérot
THE AMERICAN FOLK BLUES FESTIVAL 1962-1969
Volume 3 – Universal Music - HIP-O Rec. 986289.8
Extraits de la chronique publiée dans le Bulletin du HCF N° 537 (Novembre 2004) page 25
CD I : Let the lower lights be burning, There’s a fountain filled with blood, What a friend we have in Jesus, Amazing grace, I want Jesus to walk around my bedside, Royal telephone, Milky white way, His eye is on the sparrow, Wedding ceremony : Announcements/Because, Marriage prologue & benediction/Prayer, Wedding ceremony, Gospel train, Thank you Jesus, God don’t like it, So high
CD 2 : Come unto me, Have a little talk with Jesus, Tell him you saw me, When I first sought the Lord changes, The last mile of the way, Peace in the valley, Near the cross, In the garden, Let’s talk about Jesus, Old landmark, Pressing on, Never let go his hand, All alone with Christ the Lord, Let’s go on, I’ll meet you over yonder, How well do I remember, I just couldn’t be contented, Crying in the chapel, There’s peace in Korea, Feed me Jesus, Smile it through
Frémeaux & Associés pour
L'INTÉGRALE DJANGO REINHARDT
20 Coffrets de 20 CD
Frémeaux & Associés FA 301 à FA 320
Frémeaux & Associés pour
L'INTÉGRALE MAHALIA JACKSON
4 Coffrets de CD simple parus (à suivre)
Frémeaux & Associés FA 1311 à FA 1314
CD 1 (FA 1311): God's gonna separate the wheat from the tares, Oh my Lord, Keep me everyday, God shall wipe all tears away, I want to rest, He knows my heart, Wait until my changes come, I'm going to tell God, What could I do, Move on up a little higher (1 & 2), Even me, I have a friend, Dig a little deeper, Tired, If you see my saviour, In my home over there (x2), Amazing grace (x2), Since the fire started burning in my soul
CD 2 (FA 1312): Dig a little deeper, There's not a friend like Jesus, I can put my trust in Jesus, Let the power of the Holy Ghost fall on me, Child of a king, Get away Jordan, Walk with me (x2), Prayer changes things, Shall I meet you over yonder, The last mile of the way, Just over the hill (1 & 2), I do don't you, God answers prayers, I'm glad salvation is free, Do you know him, I'm getting nearer my home, I gave up everything to follow him, It pays to serve Jesus, These are they, He's the one
CD 3 (FA 1313): I walked into the garden, Bless this house, Go tell on the mountain, Silent night holy night, The Lord's prayer, Closer to me, How I got over, Just as I am, Jesus is with me, I bowed on my knees, City called Heaven, It is no secret, His eye is on the sparrow, God spoke on me, In the upper room (1 & 2), Said he would, He's my light, If you just keep still
CD 4 (FA 1314): I'm going down to the river, One day, I believe, Beautiful tomorrow (1 & 2), Consider me, What then, Hands of God, It's real, No matter how you pray, My cathedral, Walking to Jerusalem, I wonder if I will ever rest, Come to Jesus, Didn't it rain, I'm on my way to Canaan (1 & 2), My story, Run all the way, Nobody knows the trouble I've seen (x2)
(à suivre)