Le pianiste Johnny Varro possède un plaisant de la lignée Teddy Wilson. Dans ces enregistrements de décembre 1997 il dirige le " Swing 7 ", qui réunit quelques musiciens de l'écurie Arbors, et nous vaut un album agréable de bout en bout, sans plage insignifiante. Il s'ouvre avec Its a wonderfull world, joyeusement enlevé, qui évoque la musique des Savoy Sultans de Panama Francis (à un niveau toutefois inférieur).
Après un ensemble pertinemment arrangé et exécuté, tous les participants prennent un solo : Ken Peplowski (as), Randy Sandke (tp), Tommy Newsom (ts), Johnny Varro(p), Dan Barrett (tb), Frank Tate (b) et Joe Ascione (dr). La rythmique apporte un soutien efficace à cette brochette d'excellents musiciens où seul le ténor, à la sonorité étranglée et sourde, est peu inspiré. Johnny Varro a signé tous les arrangements de l'album dans un élégant et alerte. On devine qu'il aime le travail fignolé et qu'il doit admirer la production de groupes tels que le John Kirby Sextet.
D'ailleurs n'a-t-il pas inclus trois titres illustrés par ce fameux petit orchestre et ses interprétations, Ida sweet as apple cider, Humoresque et Front and center, constituent sans doute le meilleur du recueil si on y ajoute Pom pom, le sommet. Hormis la plupart des solos de ces morceaux, d'autres méritent d'être cités, ceux de Johnny Varro remarquable dans Truckin' et The Chase ; Randy Sandke dans Afterglow et Moten swing ; Dan Barrett (qui n'atteint pas là son maximum) dans Just squeeze me et Brandy 'n beer. Ken Peplowski alterne clarinette et alto sans être transcendant.
L'orchestre Paris Washboard présente déjà une estimable discographie, commencée en 1988 avec le LP " When we're smiling " (chroniqué dans le Bulletin 374). Le présent album a été enregistré le 10 et 11 mars 1999 par Daniel Barda (trombone), Alain Marquet (clarinette), Louis Mazetier (piano) et Gérard Bagot (wasboard), un personnel resté fixe depuis les débuts, hormis le dernier nommé qui remplaça Gilbert Leroux dès le deuxième disque. Jusque-là le quartette avait adopté les œuvres des petits groupes des années 20 et 30, cette fois, il se tourne vers le répertoire de Duke Ellington. Une gageure. En fait, le résultat se révèle aussi convaincant que passionnant car, si l'instrumentation est insolite nous sommes en présence de musiciens de e, exigeants et sérieux.
Daniel Barda sonne impeccablement, de façon expressive et posée, il manie la sourdine avec sûreté et bon goût. On notera entre autres, ses solos jubilants de All God's chillun, lt don't mean a thing, Rose of the Rio Grande, Ring dem bells. Lui et Alain Marquet savent remarquablement conjuguer et ajuster le jeu de leurs instruments. Comme, par exemple, dans All God's chillun, Drop me off in Harlem, Solitude, Rosé of the Rio Grande. Alain Marquet possède une plaisante sonorité et prend d'intéressants solos, ainsi dans The Mooche, Ring dem bells ou I got it bad (morceau auquel ne participe pas Barda).
Le piano de Louis Mazetier demeure, évidemment, admirable de bout en bout. Il apporte à ses collègues un soutien d'une plénitude parfaite qui leur permet d'évoluer dans des conditions idéales. Ses solos sont invariablement superbes, plein de fraîcheur et d'imprévu, il utilise souvent un stride irrésistible (Drop me off in Harlem, Caravan, Ring dem bells) qu'il délaisse parfois tout en restant captivant (Solitude, Mood indigo). Deux titres lui sont réservés, Dancers in love et Squaty roo, ils permettent d'apprécier sa vivacité et son humour. Le répertoire ellingtonien offre moins d'occasions à Gérard Bagot qu'habituellement de donner libre cours à son exubérance, mais il assure toujours un soutien efficace et pertinent avec ça et là quelques interventions percutantes ( It don't mean a thing, Rose of the Rio Grande, Ring dem bells).
Voilà donc un excellent disque !
A.V.
Ce monument est l'œuvre de vrais connaisseurs et amateurs ellingtoniens : Claude Carrière, Noël Hervé, Philippe Baudoin, Christian Bonnet, aidés d'un maître en reproduction phonographique, Christophe Hénault. Nous avons ici des interprétations récoltées pendant la période de 1926 à 1948, la plupart provenant des enregistrements du commerce mais aussi de concerts ou soirées (Fargo, Carnegie Hall...). Ce n'est ni une chronologie, ni une intégrale, on n'est pas invité à suivre une " évolution " mais à profiter de la beauté de la musique de Duke Ellington, de toute sa musique et peu importe que ce soit celle créée en 1928, 1938 ou 1948. Chaque disque est axé sur un thème : jungle, blues, ladies, ballads, soloists, swing, dance... c'est une commodité de présentation car il est bien évident que la plupart de ces interprétations swinguent, sur fond de blues, qu'elles invitent à la danse, que des solistes s'y expriment, etc. S'il n'est pas possible ici d'énumérer, encore moins de commenter les 260 morceaux du coffret, quelques indications sur le contenu de chaque CD suffiront à vous donner une idée de ce qui vous attend.
Volume l " Ballads "
- Inconnu dans les années 20, ce type de solos instrumentaux, sur tempo lent, apparaît à la fin des années 30 et nous vaut des séries de chefs-d'œuvre. Johnny Hodges, Ben Webster, Cootie Williams, Rex Stewart, Lawrence Brown, Barney Bigard, Taft Jordan, Harry Carney, Duke lui-même sont successivement à l'honneur pour déployer tout leur talent de charmeurs.Volume 2 " Blues "
- Things ain't what they used to be, Across the track blues, C jam blues, Main stem, Thé blues with a feeling, Bundie of blues, Blue feeling, Jeep's blues, Memphis blues, Royal Garden blues, etc. Tous ces blues en tempo lent, médium ou rapide illustrent le génie d'Ellington et de ses musiciens pour créer sur ce fondement sans rien perdre de leurs personnalités.Volume 3 " Composer "
— La majeure partie des morceaux figurant dans le coffret sont des compositions d'Ellington. Alors, quelle spécificité a ce disque ? Eh bien, Claude Carrière a voulu rassembler ici non les grands succès comme Solitude, Sophisticated lady ou C Jam blues, mais des morceaux moins célèbres et plus complexes comme Sepia panorama, Tootin' through the roof, Creole rapsody, Daybreak express, Showboat shuffle, Braggin' in brass, Blue Serge, Saddest tale, Slippery horn et aussi bien sûr Concerto for Cootie, Black Brown and Beige, Ko-ko.Volume 4 " Dance "
— Ce sont les morceaux favorables à la danse, liés à la danse, éventuellement exotiques : Conga brava, Moonlight fiesta (a Porto-Rican chaos), Snake it dance, Maori (a Samoan dance), That lindy hop, The skrontch, The lambeth walk, Moon over Cuba, Three dances of the Black Brown and Beige, Truckin'...Volume 5 " Friends "
- Celui-ci est plus inégal compte tenu de la nature des " invités " en question : très bien si c'est Ethel Waters, Django Reinhardt ou Louis Armstrong, beaucoup moins intéressant quand il s'agit de Bing Crosby, Mae West, les Mills Brothers ou Woody Hennan... A noter qu'au nombre des invités figurent aussi des arrangeurs : Benny Carter, Mary Lou Williams, Buck Clayton (Jazz cocktail, Blue skies, Hollywood Hangover).Volume 6 " Jungle "
- Celui-ci justifie vraiment un choix thématique, on y trouve les iques de ce genre ellingtonien bien particulier : Black and tan fantasy, The Mooche, Jungle jamboree, Jungle blues, East St. Louis toodle-oo, Echoes of the jungle, Air conditioned jungle, Dooji wooji...Volume 7 " Ladies "
- Ce sont les morceaux composés en l'honneur d'une dame, ou qui se rapportent à " la femme " plus généralement : Sophisticated lady, Dinah Lou, The gal from Joe's, Lady in blues, Country gal, Wann valley, John Hardy's wife, Clémentine, Lily Belle, Thé tattoed bride, Chlo-e...Volume 8 " New York "
— Les titres se rapportant à Harlem sont nombreux ici (Air shaft, River quiver, Flat blues, Drop me off at, Speaks, Harmony in, The boys from) autres allusions à la ville : Uptown downbeat, Wall Street wail, Sugar Hill shim sham, Cotton club stomp, Carnegie blues, Manhattan murals...Volume 9 " Pianist "
- Ce sont des solos de piano du Duke ou des interprétations dans lesquels sa partie est abondante : Black beauty, Swampy river, Sophisticated lady, Mr. J.B. blues, Jumpin' room only, Dancers in love, New York City blues, The clothed wornan... Là on peut constater un réel " progrès ", Duke affirme sa personnalité de pianiste graduellement, de 1928 où son reste relativement anonyme dans la lignée James P./Le Lion aux années 30 et surtout 40 où son toucher, son jeu de main gauche, ses développements mélodiques et rythmiques deviennent ceux d'une INDIVIDUALITE du piano.Volume 10 " Portraits "
- Voici les portraits musicaux de Florence Mills, Freddy Jenkins, Billy Strayhorn, Willie Smith Le Lion, Bill Robinson, Jennie Camey, Bubber Miley, Bert Williams, Orson Wells et quelques autres.Volume 11 " Soloists "
- Tous ces solistes, on les entend bien sûr dans la plupart des autres disques, ici ce sont les enregistrements qui les mettent plus spécialement en valeur : Doin' the voom voom pour Bubber Miley, Frustration pour Harry Camey, Clarinet Lainent pour Barney Bigard, The mood to be wooed pour Johnny Hodges, Echoes of Harlem pour Cootie Williams, Rose of the Rio Grande pour Lawrence Brown, Pitter panther patter pour Jimmy Blanton, Stardust pour Ben Webster, Take the A train pour Ray Nance, The suburbanite pour Al Sears, Tip toe topic pour Oscar Pettiford...Volume 12 " Swing "
- Ce sont les morceaux " tout pour le swing " pourrait-on dire : Cotton tail, It don't mean a thing, Ring dem bells, Stompy Jones, In a jam, Slap happy, Squaty roo, Rockin' in rhythm, Stomp look and listen, Chatter box, Ridin' on a blue note, etc : c'est du gratin !Volume 13 " Vocal "
- Là on baisse sérieusement de niveau : si Adélaïde Hall, lvie Andersen (3 plages), Ray Nance et dans une moindre mesure Cootie Williams et Duke lui-même (l've to be a rug cutter de mars 1937) valent le déplacement, on ne peut en dire autant de Al Hibbler, Herb Jeffries, Betty Roche, Joya Sherrill, Marion Cox ou Dolores Parker : le genre doucereux et même grandiloquent s'impose dans les années 40. Heureusement, ces vocalistes ne sont pas toujours encombrants.La reproduction a été particulièrement soignée : volume, précision, rondeur. La contrebasse notamment est bien en valeur, comme on l'enregistrait à ces époques avec son vrai son, et quels bassistes ont défilé alors : Wellman Braud, Billy Taylor, Jimmy Blanton, Junior Raglin, Oscar Pettiford pour ne citer que les principaux titulaires de la période Sonny Greer, lui inamovible à son poste (un grand batteur que l'homme aux oreilles en feuille de salade n'a pas réussi à entendre !). Chaque disque est accompagné d'un texte de présentation de Claude Carrière aussi pertinent que documenté : pas de bla-bla, pas de récupération, que du solide, et dans le sujet. On n'est pas non plus noyé sous une discographie aussi touffue qu'inutile dans le cas présent. L'indication des dates d'enregistrements et des solistes suffit ; on aurait seulement pu ajouter la mention des bassistes successifs...
Jorg Köran, qui enregistre tous les grands pianistes de jazz qui passent à sa portée, n'a pas manqué d'aller à Oberbayern trouver Bernd Lhotzky pour l'ajouter à sa collection déjà impressionnante. En lui adjoignant pour la circonstance Ralph Sutton, puisque Bernd a atteint une e qui le place au niveau des plus swinguants pianistes d'aujourd'hui... C'est ce qui frappe à la première audition du disque : pas de différence de qualité entre les deux pianistes (dont l'un pourrait être le grand-père de l'autre !), tant au point de vue beauté du toucher, stabilité du tempo, invention, tout au plus peut-on remarquer une meilleure attaque, une main gauche plus souple chez Sutton... mais Bernd le talonne de près.
En général, le thème est exposé par les deux musiciens ensemble, puis chacun tour à tour prend la partie principale, l'autre accompagnant ; inutile de préciser dans quel ordre, l'enregistrement stéréo les distinguant nettement, chacun sur un canal. Interprétations les plus réussies : le stride impétueux de Jeepers Creepers et Indiana et sur tempo plus calme Porter's love song et Keepin' out of mischief now.
Bernd joue seul Lover, Drop me off in Harlem et Lush life ; Ralph joue en solo In the dark (une sorte de In a mist), Clothes line ballet et Love lies, ce dernier morceau étant la perle du recueil. Un peu ternes car manquant de vigueur : Until the real things corne along, Takin' a chance on love... Mais dans l'ensemble quelle belle musique !
Et quelle belle invention que le piano stride quand il est illustré par de tels interprètes !
Voilà le premier disque édité sous le nom de Boss Quéraud : il était temps ! Car c'est un de nos meilleurs jazzmen, qui a joué avec nombre de formations, régulières ou éphémères, toujours apprécié tant de ses collègues que de ses auditeurs. Mais, il est souvent trop effacé.
Or, il mérite d'être mis au premier plan, car quand il est en forme et en bonne compagnie (comme c'est le cas ici) il se présente à l'égal des plus grands trompettistes toutes catégories confondues. Dans son interview du Bulletin 373, il déclarait : " Nous avons chacun notre personnalité et si nous avons subi davantage l'influence de tel ou tel grand musicien, nous ne négligeons pas pour autant tout ce que d'autres peuvent nous apporter. En fait, chacun suit sa pente naturelle et construit son propre jeu à partir de références qui peuvent varier ". C'est bien ce que l'on constate chez lui et au plus haut degré. On sait que Red Allen ou Bunny Berigan comptent parmi ses favoris, mais ses solos ne sont jamais une collection de phrases prises chez l'un ou l'autre.C’est du Boss premier cru.
Deux interprétations retiennent particulièrement l'attention : You're driving me crazy et Once upon a time, où Boss se promène dans les hauteurs avec une totale aisance, emboîtant les phrases les plus audacieuses, sans répétition ni cliché d'aucune sorte, dans une impeccable logique ; et quelle belle sonorité, pleine, ronde, d'une extrême sensibilité ! Un autre qui se fait remarquer dans You're driving me crazy, c'est Patrick Bacqueville dont les trois chorus de trombone sont aussi du pur jazz de grande cuvée.
Mais commençons par le commencement : il s'agit d'extraits de concerts, du Hot Club de Rouen, de ces dernières années. Les deux premiers titres sont par une formation de type New Orléans tendance Revival, dirigée par le clarinettiste Tommy Sancton disciple de George Lewis. La formation comprend Stéphane Roger à la batterie, qui accompagne par de sobres roulements à la caisse claire, Enzo Mucci au banjo, Yves Buffetrille à la basse, Freddy Legendre qui tient ici le trombone avec une vigueur très Kid Ory. Boss mène fort bien les improvisations collectives, et joue bouché avec beaucoup de cœur dans Girl of my dreams. Ces interprétations sont les plus récentes (concert du 23 mars 1998).
Beale Street blues (12 décembre 1994) avec le trio Milanta commence en douceur par l'exposé du thème à la trompette bouchée, puis bon solo de Patrick Bacqueville, solo très concis de Philippe Milanta et Boss finit en beauté montant en puissance et en flamme ; à la batterie Michel Denis, à la basse (épatant) Bruno Rousselet.
Dooji wooji : ce sont les quatre souffleurs de " Trumpet Spectacular " (7 octobre 1995) . Sur ce blues semi-lent au rythme shuffle, chacun intervient dans cet ordre : Irakli, Peter Ecklund, Alain Bouchet, Boss Quéraud. La tension monte de plus en plus, et c'est notre trompettiste qui emporte la palme. La section rythmique comprenait Michel Denis, Daniel Amelot (b), Pierre Calligaris (p).
Les quatre morceaux suivants (30 septembre 1996) sont par les " Swing Brothers ", une formation quelque peu éphémère qui bénéficia du superbe drumming de Georges Bernasconi . Quelle souplesse, quelle finesse, quel swing chez ce grand batteur qui nous disait : " c'est Milton Buckner qui m'a formé. D'un instrument qui paraît destiné à faire du bruit, il m'a appris à en faire de la musique " : c'est exactement ça ! II propulse l'orchestre avec un dynamisme parfaitement maîtrisé qui met tout le monde à l'aise. Il faut voir, ou plutôt entendre, comme il fait sonner ses cymbales, notamment dans You're driving me crazy et I would do anything for you où il est particulièrement bien enregistré. Outre Boss, au sommet de son inspiration, les solistes sont Jean-Loup Muller au piano, Patrick Bacqueville au trombone (You're driving me crazy, I would do anything for you), Christophe Davot à la guitare (You're driving me crazy), Jacques Montebruno à l'alto (I would do, Always).
On termine en apothéose avec un magnifique Once upon a time (10 octobre 1944, Swing Feeling), sur lequel plane l'ombre de Louis Armstrong. C'est peut-être beaucoup s'avancer ,mais je ne pense pas que Benny Carter ait fait mieux, le 10 octobre 1933, dans son interprétation de ce morceau avec les Chocolate Dandies... Ce morceau offre également un bon solo de ténor de Philippe Audibert.
J.P.
La formation du Tuxedo Big Band, dont la stabilité assure la qualité, est identique à celle du précédent CD . Seul changement, Pierre-Luc Puig a remplacé Serge Oustiakine à la contrebasse il y a deux ans. Après avoir ressuscité l'orchestre Jimmie Lunceford, le Tuxedo fait revivre le monde sonore de Chick Webb et il nous émerveille à nouveau. Le jazz pourrait devenir ainsi une " musique de répertoire " écrit André Clergeat dans le livret du CD. Irakli ne dit-il pas qu'il interprète Louis Armstrong comme on joue du Mozart ?
Les arrangements immortalisés par Chick Webb et que reprend le Tuxedo sont conservés mais on est loin d'une reproduction robotisée. Quant aux solistes, ils se gardent d'abandonner leur personnalité, tout en respectant l'esprit des musiciens de Chick Webb.C’est ce que réussit Jean-François Duprat dans son solo de trombone de 'Tain't what you do , quand on le compare à celui de Sandy Williams. Paul Chéron, aussi à l'aise sur l'alto que sur la clarinette, possède une personnalité d'exception. Lui-même à la clarinette et Guy Robert à la flûte ont si bien restitué la couleur sonore de I ain't got nobody, joué en quintette, et l'enregistrement est d'une telle qualité, que le résultat est supérieur à la version de Chick Webb. Big John spécial, arrangement d'Horace Henderson, présente des différences dans l'ordre des solistes avec le disque que Chick Webb enregistra sur un tempo plus modéré.et il est plus captivant que celui de Fletcher en 1934. Dans Clap hands, il n'y a pas de solo de trombone mais on entend Sallent et Laudet à la trompette et c'est aussi magnifique.
On a rarement entendu une section rythmique si valeureuse, mieux enregistrée que celle de Chick Webb. Jean-Luc Guiraud en est la pièce maîtresse. L'élasticité de son jeu à la batterie, sa frappe claire et cinglante affirment un tempo d'une netteté implacable, et il assure fermement, mais sans rudesse, les breaks qui appuient les ensembles. Avec lui, Liza et Harlem Congo, les deux célèbres réussites où Chick Webb était le plus présent, parviennent à une plénitude inouïe. Il faudrait citer tous les solistes : ils sont indiqués dans le livret.
Une pierre précieuse est ajoutée à l'édifice de ce superbe orchestre : la chanteuse Mariannick Saint-Céran. Pour tenir le rôle d'Ella Fitzgerald dont elle a assimilé l'esprit sans chercher à en décalquer le timbre vocal elle est infaillible. On retrouve dans Just a simple melody la fraîcheur d'Ella en 1937, quand elle avait vingt ans. Très dynamique, son chant est ancré solidement sur le swing de l'orchestre dans 'Tain't what you do. Elle est émouvante dans l got it bad qu'Ella enregistra sans Chick Webb et elle déploie sa verve dans Rock it for me où la clarté de sa diction se conjugue à son aisance rythmique. Et elle possède une étonnante maîtrise du scat (Undecided). Mieux que d'autres chanteuses , bien en cour grâce à la publicité des médias, Mariannick Saint-Céran ravive le souvenir de la " First Lady of Jazz " à une grande époque de sa carrière.
Après les avoir enrichis, Paul Chéron nous restitue, avec la densité de swing caractérisant son orchestre, les trésors hérités de Chick Webb et d'Ella.
Ces interprétations ont été enregistrées à La Nouvelle-Orléans en octobre 1996 par Doc Cheatham (dont c'est sans doute le dernier disque) et Nicholas Payton, accompagnés par Ernest Elly à la batterie, Butch Thompson au piano, Les Muscutt à la guitare, Bill Huntington à la basse, Jack Maheu (clarinette), Tom Ebbert, Lucien Barbarin (trombone) apparaissent dans quelques morceaux. Doc joue et chante, Nicholas Payton joue de la trompette.
Près de 70 ans séparent ces deux musiciens ! Doc pourrait être l'arrière-grand-père de Nicholas, pourtant une parfaite communauté d'inspiration, et ce qui est encore plus remarquable de , unit ces deux musiciens ; il y a même des moments où Nicholas Payton joue encore mieux que son aîné. On peut les distinguer d'abord par la plus grande aisance instrumentale du jeune et par le son plus mat de l'ancien.
Jeepers Creepers , une des meilleures interprétations, où la section rythmique carbure le mieux, est exposé par Nicholas Payton. Doc Cheatharn prenant le pont ; après un vocal accompagné à la trompette bouchée, les deux trompettistes dialoguent, Payton commençant, en prenant d'abord 16 mesures chacun, puis 8, puis 4 : stupéfiant ! Stardust est joué d'abord par Doc, couplet et refrain, Nicholas lui succède dans une parfaite continuité d'expression. Dinah, après un vocal de Doc, est joué par Nicholas en grande forme terminant à la Louis Armstrong.
Do you believe in love at sight, Maybe, The world is waiting for the sunrise sont bien swingués sur d'excellents tempos, la batterie d'Ernest Elly étant particulièrement performante et les improvisations collectives bien venues. Nicholas joue souvent de beaux contre-chants aux vocaux de Doc (The worid is waiting for the sunrise notamment). Un ou deux morceaux (lada, I cover the waterfront) sont pris sur des tempos trop lents et l'intérêt faiblit, Les quelques solos de clarinette et de trombone ne cassent rien, mais sont courts ; par contre, on aurait aimé entendre plus souvent en solo l'excellent pianiste Butch Thompson, qui ne montre son savoir-faire que dans Maybe.
Si c'est bien là l'ultime prestation phonographique de Doc, on peut dire qu'il nous a vraiment quittés en beauté.
Ces enregistrements pris sur le vif en décembre 1996 (ce que n'indique pas le livret réduit au minimum) font entendre un quartette composé d'Olivier Franc (saxo soprano), Pierre Calligaris (piano), Alan Kelly (guitare) et Ivan Capelle (batterie).
Olivier Franc a été rarement (jamais ?) si bien mis en valeur. On sait que son jeu s'inspire profondément de celui de Bechet mais personne n'a capté comme lui son accent triomphal, sa flamme, son esprit, grâce, bien sûr, à une admiration active mais aussi à une maîtrise instrumentale parfaite. Il interprète d'un bout à l'autre, de façon majestueuse et vibrante Summertime et On thé sunny side of the street. Il est le principal soliste de tous les autres morceaux en se montrant invariablement fort inspiré, notamment dans Sheik of Araby, Cake walking babies, Wild cat blues.
On constate avec joie que Pierre Calligaris trouve là une occasion de prouver sa e exceptionnelle car il possède un talent aussi grand que sa discographie est mince. Il apparaît en solo dans tous les morceaux excepté les deux réservés à Olivier Franc. On ne peut que rester ravi devant son jeu ultra-swinguant, bâti sur une main gauche à la fois souple et puissante et animé par une main droite dansante et primesautière. Et quelle que soit l'interprétation, standard : ( Sheik ofAraby, Wild cat blues, Cake walking babies, Honeysuckle rose, il est époustouflant dans ces deux derniers titres), ballades : (Where am I, The man l love), blues lent : (Braise), ou rapide : (Aigle noir shuffle, Sidney's boogie, où il pratique le boogie avec une agilité que peuvent lui envier bien des spécialistes de ce ).
Alan Kelly apporte un soutien efficace à la guitare, prend quelques solos plaisants (Braise, Aigle noir shuffle...) et chante brièvement dans Squeeze me et Honeysuckle rose. Ivan Capelle, auteur d'une excellente partie de batterie fournit un accompagnement toujours attentif et intervient brillamment en solo, notamment dans Sheik ofAraby (sans perdre de vue la mélodie). La reproduction est vivante même si parfois l'équilibre aurait pu être meilleur.
Cet album, particulièrement plaisant, pourrait bien être une révélation pour beaucoup.
A.V
Ce disque est disponible aux concerts de l'orchestre ou auprès d'Ivan Capelle, 14 rue de Bourgogne, 87220 Feytiat (tél. 05 55 48 38 18-fax: 05 55 48 52 00) ou auprès de Pierre Calligaris, 8 rue des Champs Pérault, 77690 Montigny-sur-Loing (tel-fax : 01 64 45 75 94).Voici réunie, pour la première fois sur un seul CD, l'intégralité de la séance historique du 28 septembre 1953 à l'Ecole Normale de Musique. A cette époque Lionel effectuait sa première tournée européenne avec son grand orchestre. Un orchestre recruté spécialement pour ce voyage et qui comprenait quelques futures " vedettes ", comme Clifford Brown, Clifford Scott et... Quincy Jones. Hugues Panassié avait obtenu, de la compagnie Vogue, de superviser une séance d'enregistrement de Lionel Hampton avec quelques musiciens spécialement choisis pour la circonstance : Lionel avait retenu Walter Williams pour la trompette, Al Hayse et Jimmy Cleveland pour le trombone, Clifford Scott pour le ténor, Curley Hamner pour la batterie, Billy Mackel à la guitare, Monk Montgomery à la basse . Hugues Panassié avait convoqué Claude Bolling et Alix Combelle , Mezz Mezzrow était le choix commun des deux. (De leur côté, les boppers de l'orchestre, Art Farmer, Gigi Gryce, Clifford Brown... enregistraient quelques jours plus tard pour la même compagnie, mais sans l'aval de leur chef, ce qui leur créa subséquemment de sérieux ennuis).
Lionel avait écrit " Mon cher Hugues, votre demande de faire des disques m'a enthousiasmé comme jamais je ne l'ai été de ma vie (sauf quand j'entends Louis Armstrong). Je vous promets de faire le maximum pour enregistrer les meilleurs disques de ma carrière, et mes musiciens joueront eux aussi de tout leur cœur, sachant que ces disques sont faits tout particulièrement pour les membres du Hot-Club de France de Panassié... ". II a tenu parole, ces enregistrements sont sensationnels, à mettre sur le même plan, quoique dans un genre bien différent, que les fameuses sessions RCA des années 37/41. Hugues Panassié avait tenu à varier les interprétations : il y a trois morceaux en trio où Lionel déploie toute sa verve mélodique, dans un jaillissement d'idées intarissable : September in the rain, Always et I only have eyes for you où il est merveilleusement accompagné par la guitare de Billy Mackel et la contrebasse de Monk Montgomery (frère de Wes) . Un blues lent de haute cuvée Blue Panassié ; deux morceaux en tempo moyen-vif, Free press oui et Walkin' at the Trocadéro ; un blues rapide en plusieurs épisodes, la série des " Crazy ". Lionel joue du piano à l'accompagnement et en solo dans Trocadéro.
Les ensembles, mis au point sur place, de même que les riffs de soutien sont vraiment " décoiffants " ! Walter Williams à la trompette, dans un dru et concis à la Jonah Jones, est particulièrement sensationnel dans sa façon de faire monter la tension à la fin des interprétations. Combelle, Bolling, Mackel prennent les meilleurs solos ; Clifford Scott, qui allait faire un tabac trois ans plus tard avec Bill Doggett, n'est pas à son meilleur niveau ici ; des deux trombones, Al Hayes est le plus purement jazz, Cleveland, peut-être plus doué, est fortement attiré par le bop ; Mezz, comme d'habitude, n'avait pas assez travaillé son instrument avant la séance, mais il n'a pas son pareil pour installer le climat blues au début de Blue Panassié. Et le fondement sur lequel tout cela s'appuie, est la section rythmique, une formidable équipe Hamner/Montgomery/Mackel ! Alors que le batteur en titre de l'orchestre, Alan Dawson, louchait plutôt vers Kenny Clarke et Max Roach, Curley Hamner était un pur swingman, il le montre tout au long de ce disque, par sa frappe bien personnelle cinglante et rebondissante et sa parfaite entente avec Monk Montgomery. La partie de contrebasse de ce dernier, d'une extrême mobilité et d'une rare intelligence musicale, n'a pas peu contribué à la réussite de ces enregistrements. Pendant les quelques solos relativement faibles, reportez-vous sur la basse et vous ferez des découvertes !
Un disque indispensable.