Wholly cats, On the Alamo, Shivers, Stardust, Breakfast feud, Soft winds, ACDC current,Memories of you, Seven come eleven, Pagin’ thedevil, Solo flight, Till Tom special, Gone with what wind
Pour réaliser cet opus, le saxophoniste ténor Michel Pastre s’est entouré du jeune et prometteur trompettiste Malo Mazurié et du fameux trio désormais réuni sous la bannière de La Section Rythmique : David Blenkhorn à la guitare, Sébastien Girardot à la basse et Guillaume Nouaux à la batterie. L’enregistrement eut lieu les 20 et 21 janvier 2015. Ce qui frappe d’emblée dans ce disque, c’est la cohésion d’une formation où l’on sent que le swing s’est constamment invité. Rendons justice au guitariste David Blenkhorn qui a su se couler dans le moule de la musique de Charlie Christian sans pour autant imiter de façon servile sa façon de jouer. On ne peut que louer sa superbe technique instrumentale, son jeu clair, précis et mélodieux. Quant au saxophoniste ténor Michel Pastre, s’il fait toujours référence à Lester Young, son jeu me semble avoir encore gagné tant en sérénité qu’en rondeur. Voyons tout cela de plus près.
Les compositions font essentiellement appel au répertoire de l’orchestre de Benny Goodman, dont celles signées en partage avec Charlie Christian : Shivers, ACDC current, Seven come eleven, Solo flight. De beaux thèmes fort peu joués de nos jours et c’est dommage. Dès le premier morceau, Wholly cats, on est frappé par le drive que dégage l’orchestre, ce que la suite ne fera que confirmer ; le jeune trompettiste Malo Mazurié y prend un solo très bien articulé et on appréciera aussi le diminuendo bienvenu lors de la coda. Michel Pastre déroule avec sérénité et sensibilité On the Alamo où David Blenkhorn distille des accords tirés au cordeau. Sur Shivers, Michel Pastre et Malo Mazurié prennent chacun un chorus : le trompettiste s’exprime avec clarté et concision, les deux solistes sont portés par un afterbeat forcené de la rythmique et on remarquera la belle intervention du guitariste. Sur Stardust, pris en tempo aisé, Michel Pastre fait montre de lyrisme tandis que Dave Blenkhorn égrène des accords d’une grande musicalité. Dans Breakfast feud, un thème-riff où Malo Mazurié est en vedette, Michel Pastre intervient rageusement, le morceau se poursuivant par de délicats ensembles. Soft winds, une jolie mélodie, est prise sur un tempo qui balance bien ; David Blenkhorn y développe de belles phrases épaulées par des riffs appuyés par le duo trompette/saxo ténor. ACDC current, autre thème-riff, est de toute beauté : les deux souffleurs sont performants et David Blenkhorn, inspiré par ce thème, est remarquable.
On passera sur Memories of you, un peu léger. Seven come eleven met en valeur Michel Pastre mais aussi David Blenkhorn, impressionnant de virtuosité, bien secondé par la basse et la batterie au swing impétueux ; Malo Mazurié y est fringant, jouant bien assis sur le temps, et Guillaume Nouaux prend un solo d’une grande maîtrise soutenu par de solides accords des deux souffleurs. Belle prestation d’ensemble sur Pagin’ the devil, un blues très low-down mené par Michel Pastre au son charnu, suivi du trompettiste qui joue fermé ; à la basse, Sébastien Girardot prend un solo fortement charpenté, tout de justesse et d’équilibre. Solo flight, l’un des meilleurs titres, presque entièrement dévolu à Dave Blenkhorn éclatant de classe, nous ravit par ses superbes envolées. Malo Mazurié est tranchant sur Till tom special, tout comme Michel Pastre, et le ‘drumming’ de Guillaume Nouaux, ferme, précis, gorgé de swing fait merveille en solo. Gone with “what” draft, joliment amené, termine agréablement cette session.
Nous tenons là un disque mémorable dont nul ne saurait se passer.
Christian Sabouret - Bulletin du HCF 645 de Novembre 2015
CD (79 min) : Praise God, Tell me it’s the truth, Come Sunday, In the beginning God, Almighty God /Choral, The shepherd, Heaven, It’s freedom, Meditation, Every man prays, The Lord’sprayer, Praise God and dance ,Calmighty God / Choral1.
DVD (112 min) : Praise God, A glimpse of God, Something about believing, Reading the Bible, In the beginning God, Almighty God, Pastor John G.Gensel, The shepherd, Optimism, Tell me it’s the truth, Come Sunday, Every man prays, The Lord’s prayer, Heaven, It’s freedom,Communication, Meditation, David danced before the Lord, Love, Is God a three letter word for love ?, Mistakes, Father forgive, Praise God and dance
L’initiative de Laurent Mignard d’entreprendre avec le Duke Orchestra un « tour des cathédrales », comme l’avait fait Ellington entre 1965 et 1973, est la bienvenue. Le récital proposé a été filmé en public à Paris, en l’église de La Madeleine, le 1er octobre de l’année 2014 (quarantième anniversaire de la disparition du pianiste) avec un personnel imposant : trois vocalistes (Sylvia Howard, Nicolle Rochelle, Emmanuel Pi Djob), un claquettiste (Fabien Ruiz), douze Voix en Mouvement (dirigées par Michel Podolak), cent vingt choristes provenant de quatre ensembles d’Île-de-France et les seize membres du Duke Orchestra : Claude Egea, Sylvain Gontard, Jérôme Etcheberry, Richard Blanchet (tp), Fidel Fourneyron, Michaël Ballue, Jerry Edwards (tb), DidierDesbois, Aurélie Tropez (as, cl), Olivier Defaÿs (ts), Carl Schlosser (ts, fl), Philippe Chagne (bs, bcl), Philippe Milanta (p), Bruno Rousselet (b), Julie Saury (d), Laurent Mignard (dir.).
Ce généreux concert de près de 2 h s’adresse à un public qui dépasse de beaucoup celui des amateurs de jazz. Car, du côté de ces derniers, la musique d’inspiration religieuse d’Ellington est parfois reçue avec réserve, comme s’il était inconcevable que l’auteur de The mooche fût aussi celui des Sacred Concerts (la même réticence pouvant concerner les Suites). C’est oublier que Duke Ellington revendiquait d’être appelé non pas « compositeur de jazz », mais seulement « compositeur », soucieux qu’il était de ne pas devoir brider sa créativité. Quant à ses préoccupations d’ordre spirituel, il suffit de lire son autobiographie Music Is My Mistress pour les percevoir sans ambiguïté. Laurent Mignard, qui connaît « son » Duke sur le bout des notes et des mots, ne pouvait ignorer cette dimension de l’artiste ni cet aveu : « Je considère ces concerts de musique sacrée comme la chose la plus importante que j’aie jamais faite. »
Des trois concerts sacrés écrits par Ellington on identifiera dans l’album six titres du premier, huit du second, un du troisième. Les huit titres restants, notés en italique dans la liste ci-dessus, ne sont pas musicaux : ils consistent en de brèves interventions prononcées en anglais (sous-titré) par Mercedes Ellington, petite-fille du compositeur et « gardienne du temple » comme la désigne le livret. Ce sont ces textes transitoires, porteurs de « messages» de Duke, qui, par leur fonction d’annonces, soulignent la cohérence d’un programme dont l’agencement pourrait de prime abord sembler disparate. On est ainsi en présence d’un ensemble complexe, caractérisé par une ample diversité de thèmes, de climats,de tempos, d’intervenants et servi par une scénographie grandiose.
Si toutes les interprétations confirment la mise au point d’un orchestre soutenu par une rythmique exemplaire, plusieurs portent bel et bien la marque du jazz le plus swingant.Introduit par le piano de Philippe Milanta sur une souple pulsation de Julie Saury et Bruno Rousselet, Something about believing est dominé par Sylvia Howard, dialoguant avec les choeurs de sa voix grave, profonde et ménageant des espaces à Jérôme Etcheberry( tp) et Fidel Fourneyron (tb) ; on retrouve la chanteuse avec sa même sûreté dans Tellme it’s the truth où interviennent plaisamment le trombone de Michaël Ballue et l’alto de Didier Desbois, et aussi dans un Lord’s prayer vivifiant et gospelisant où elle partage le micro avec Emmanuel Pi Djob, ardent « prêcheur » aux intonations « growlées », tous deux aiguillonnés par la trompette harcelante de Jérôme Etcheberry. The shepherd, portrait musical du pasteur John G. Gensel si respecté de Duke, est encore brillamment illustré par Etcheberry dans le sillage de Cootie Williams par le découpage des phrases, l’épaisseur du son, le poids des notes, la maîtrise de la sourdine : on saluera la performance.
En matière de spectacle, le titre le plus attrayant est bien sûr David danced before the Lord, talentueuse démonstration de Fabien Ruiz dont le ‘tap dancing’ personnel, d’une
parfaite élégance, alterne avec invention puissance et légèreté (et l’on tendra aussi l’oreille aux variations d’Aurélie Tropez à la clarinette).
Les plus longues pièces du programme, mosaïques de thèmes, de mouvements, de tempos, méritent une approche différente. Proche du début du concert, In the beginning God (19 min) est l’exemple même de l’interprétation foisonnante. Le premier thème est sobrement exposé par Philippe Chagne (bs) et Aurélie Tropez (cl), relayés par la voix puissanted’Emmanuel Pi Djob. Les paroles de cette composition ambitieuse, titrée des premiers mots de la Bible, évoquent la naissance de l’univers : on y reconnaîtra l’humour de Duke quioppose au « rien » d’avant la Création une liste de réalités… souvent bien inattendues. Le ténor impétueux de Carl Schlosser brode en tempo vif sur le second thème tandis que le choeur énumère en cadence les livres de l’Ancien Testament ; puis retour au premier thème avec la trompette de Dominique Blanchet additionnant contre-ut et bi-contre-ut sous l’oeil admiratif (et amusé) de ses collègues ; enfin, après l’énoncé des livres du NouveauTestament par les chorales, la clôture est réservée à la batterie de Julie Saury : un solo subtil, rigoureux, plein de « couleurs sonores », où l’utilisation expressive des cymbales précède des frappes agiles sur les toms et des roulements serrés sur la caisse claire. It’s freedom (12 min 30) ne manque pas non plus d’originalité : le rôle du choeur est prépondérant dans cet hymne à la liberté scandé de façon obsédante, tantôt triomphant, tantôt murmuré, voire exprimé en de multiples langues et soudain commenté par la voix… d’Ellington en personne ; en marge de la partie chorale se déploient, au gré des segments de l’interprétation, des interventions de Fidel Fourneyron (éloquent au trombone avec la‘plunger’), Philippe Milanta (incisif au piano), Didier Desbois (mobile et lyrique à l’alto) et Carl Schlosser (véhément au ténor). Le final, Praise God and dance (12 min) est, comme il se doit, construit en gradation : la séquence d’ouverture, hors tempo puis en tempo lent, est confiée à Nicolle Rochelle, surprenante en diva chargée du répertoire d’Alice Babs ; puis un tempo vif s’installe, magistralement tenu par l’intraitable ‘after-beat’ de Julie Saury et la basse dansante de Bruno Rousselet, et donne lieu jusqu’à l’issue du concert à d’opulents ensembles orchestraux, auxquels se mêlent les exhortations des choristes et d’où se détache principalement le ténor d’Olivier Defaÿs au discours « sinueux » avant la trompette« stratosphérique » de Richard Blanchet. Dans une ambiance autrement paisible, on appréciera Praise God, où le baryton de Philippe Chagne instaure au début du concert un climat de solennité ; Come Sunday,phrasé par Sylvia Howard avec une ferveur intense sur un background orchestral feutré; Almighty God, où s’entrelacent les vocalises « angéliques »9 de Nicolle Rochelle et la clarinette d’Aurélie Tropez dans le registre grave ; Is God a three letter word forlove ?, de nouveau voué à la voix cristalline de la chanteuse, tout comme Heaven, qui bénéficie d’un suave chorus d’alto de Didier Desbois aux riches inflexions ; enfin Meditation, solo intimiste de Philippe Milanta joué hors tempo avec un toucher plein, raffinérappelant immanquablement la sérénité de maintes faces ellingtoniennes.Father forgive est une interprétation à part : Mercedes Ellington y lit un récitatif dont
chaque verset est suivi des deux mots du titre-supplique harmonisés pour les Voix en Mouvement de Michel Podolak. Extra-jazz certes, mais prenant.
Au total, un album exigeant, fruit d’un impressionnant travail collectif, qui vient prolongeravec audace les hommages rendus assidûment par Laurent Mignard et son DukeOrchestra à un créateur ‘beyond category11. Une réussite pour un sacré défi.
Jacques Canérot - Bulletin du HCF 641 - Mai 2015
Livre de 76 pages au format 30 x 22 cm (à l'italienne). Cartonné. 120 photos ou illustrations N&B et couleur
Les lecteurs de Traveling Blues et de Jazz Puzzles, vol.1 connaissent le goût de l’auteur pour la rigueur, la précision, voire l’exhaustivité de l’information. Son nouvel ouvrage ne déroge pas à ce principe d’exigence : qu’il s’agisse de dates, de chiffres, de généalogie, de localisation, d’identification, rien n’est énoncé qui n’ait été préalablement authentifié au moyen de documents ou de preuves irréfutables. Il résulte de cette quête minutieuse une reconstitution convaincante de l’itinéraire de l’homme et du musicien Frank Goudie que sa haute taille avait fait surnommer ‘Big Boy’.
Le livre n’est pas subdivisé en chapitres, mais constitué d’une succession d’épisodes. Cette composition est heureuse car mieux adaptée à la relation d’une existence en constant mouvement qui ne cessa d’enchaîner voyages, rencontres, tournées, engagements, sessions d’enregistrement. Ainsi, au long de ce cheminement international, le lecteur croisera une pléiade de musiciens aux noms familiers car Big Boy côtoya les jazzmen les plus réputés (Tommy Ladnier, Sidney Bechet, Bill Coleman, Django Reinhardt, Earl Hines, KidOry…), tandis qu’une multitude d’autres, soit estimés moins célèbres aujourd’hui (Spencer Williams, Freddy Johnson, Freddy Taylor, Jerry Blake, Wilson Myers, ArthurBriggs, Peter Ducongé…), soit quasi inconnus (Maceo Anderson, Eugene Bullard, EmileJoseph Christian…), font l’objet de notices biographiques bienvenues. Bien sûr on suivra pas à pas Big Boy parmi les multiples orchestres auxquels il participa, y compris lors deses périples en Amérique du Sud où il se produisit dans des formations étrangères au jazz.
Toutefois le texte fait surtout la part belle aux séjours – avant et après-guerre – du musicien en France où ce professionnel multi-instrumentiste, improvisateur au style original, avait été sollicité dès son arrivée : à partir de 1933, il fut régulièrement à l’affiche des concerts du Hot Club (Hugues Panassié, souvent cité, prisait beaucoup son jeu), puis enregistra sous son nom dès 1935 avant de figurer sur diverses faces du label Swing.
Il ressort de cette trajectoire fertile en rencontres et en événements que la carrière de Frank Goudie fut celle d’un acteur à part entière de l’histoire du jazz. Curieusement, le récit décrit une destinée en forme de boucle, prenant naissance dans la Louisiane de la fin du XIXe siècle où la musique néo-orléanaise était partout présente, et s’achevant en Californie entre 1956 et 1964 au coeur de formations pratiquant le « jazz des origines » (p. 57). Cette fidélité aux racines de sa musique est d’ailleurs l’une des constantes du parcours de Big Boy, peu intéressé par « le nouveau chemin ouvert par le be-bop » (p. 50, voir aussi p. 53 et 60).
Apprécié de ses confrères, l’homme était aussi attachant que le musicien : tous les témoins le dépeignent comme aimable, chaleureux, calme, courtois, « plein de sagesse et de bon sens » (p. 61). Sans renier ses ascendances familiales, il avait des « manières européennes » (p. 58) et s’était pris d’affection pour la France : il se maria deux fois avec des Françaises, parlait couramment notre langue (au point de prononcer l’anglais avec des traces d’accent français…) et avait même pris l’habitude de porter le béret ! Ouvert néanmoins au monde, il ne manqua jamais l’occasion d’élargir sa culture, par la lecture notamment, et, dans les dernières années de sa vie, il fréquenta l’intelligentsia de SanFrancisco.
Comme chaque fois que paraît un ouvrage de Dan Vernhettes, on admire le travail de recherche pour collecter la documentation la plus complète possible. C’est ainsi qu’ont été consultés non seulement des livres importants (par exemple Harlem in Montmartre de William A. Shack, Douze années de jazz d’Hugues Panassié, Delaunay’s Dilemma deCharles Delaunay), mais aussi les principales revues françaises (Jazz Hot, Jazz Tango Dancing, La Revue du Jazz, Bulletin du Hot Club de France) et étrangères (américaine Downbeat, belge Music, néerlandaise De Jazzwereld), sans compter nombre de journaux de l’entre-deux-guerres, essentiellement américains comme le Chicago Defender, le San Francisco Examiner ou le Baltimore Afro-American (dont un article est reproduit page 46). À cette ample moisson s’ajoutent le matériel publicitaire (affiches, annonces et programmes de concerts, étiquettes des 78 tours originaux reproduites en couleurs), un plan du 9e arrondissement de Paris (sur lequel sont localisés une trentaine de cabarets en activité dans les années 30) et quelques documents plus personnels, comme la carte du recensement militaire de Big Boy ou son faire-part de mariage du mois de mai 1939. Enfin ont été réunies une soixantaine de photographies montrant Frank Goudie au sein des orchestres dirigés, entre autres, par Benny Payton, Noble Sissle, Freddy Johnson, Willie Lewis, ou bien à la tête de sa petite formation Big Boy and His Little Boys. Certains clichés attirent davantage l’attention : insolite comme celui de la page 38 (les musiciens de Willie Lewis coiffés d’une chéchia pour faire couleur locale lors d’une tournée en Égypte), amusant comme celui de la page 40 (Goudie justifiant son surnom quand il pose à côté du « petit » Oscar Aleman), rare comme celui de la page 49 (l’épouse de Big Boy servant à boire à des musiciens dans son restaurant de Rio de Janeiro).
La discographie, en clôture du livre (environ 350 titres) mérite une attention particulière : y figurent non seulement la totalité des faces du commerce – avec les personnels complets, l’identification des solistes, diverses remarques et appréciations – mais aussi la liste quasi intégrale des enregistrements sur bande magnétique de la périodecalifornienne, inédits pour la plupart à ce jour.« Éloge d’un gentleman du jazz » : relevée en page de conclusion, l’expression résume avec pertinence un livre riche et attrayant en forme de dédicace à un musicien de talent, doublé d’une personnalité rayonnante jusqu’alors insuffisamment connue.
Alain Carbuccia et Jacques Canérot - Bulletin du HCF 642 - Juin/Juillet 2015
GRAND PRIX 2015
MICHEL PASTRE QUINTET
CHARLIE CHRISTIAN PROJECT – MEMORIES OF YOU
MPQ001 Autoproduit
PRIX SPÉCIAL DU JURY 2015
LAURENT MIGNARD DUKE ORCHESTRA
DUKE ELLINGTON SACRED CONCERT (CD +DVD)
AM2015002 Juste une Trace
PRIX LIVRE 2015
BIG BOY – VIE ET MUSIQUE DE FRANK GOUDIE
par
Dan Vernhettes avec Christine Goudie et Tony Baldwin
Jazzedit (2014)
GRAND PRIX 2014
DU HOT CLUB DE FRANCE
PATRICK ARTÉRO et LE PARIS SWING ORCHESTRA
JOUENT LOUIS ARMSTRONG
Autoproduit
TBB 107 - Autoproduit
Liza, Drumology, Hear me talkin to ya, Jumpin pun- kins, Hampton stomp, Mandy, Carioca, Queer Street, Drummin man, Pyramid, Concerto for Cozy, Dinner with friends, At the jazz band ball, Swingin the blues .
La foule des utilisateurs de batterie se compose, en très large majorité, de musculaires matraqueurs acharnés à cogner comme des sourds sur leur instrument. À leurs côtés figurent des jazzmen qui, eux, jouent de leur ins- trument et parfois même des artistes qui savent en tirer le maximum. Guillaume Nouaux se tient au sommet de cette dernière catégorie. Toujours avec swing il accompagne impeccablement ses partenaires et, à l'occasion, prend sans esbroufe des solos idéalement construits. De surcroît, comme personne il connaît tout de la batterie et des maîtres de l'instrument. Parmi les nombreuses formations auxquelles il participe, figure en bonne place le Tuxedo Big Band de Paul Chéron, qui, lui, sait tout des grands orchestres. De leur complicité naquit l'idée particulièrement excitante d'évoquer les grands drummers de big bands puis de réaliser le projet, ce qui eut lieu les 3 et 4 janvier 2014.
L'album débute par un hommage au légendaire Chick Webb avec Liza mettant la batterie bien en évidence. On admire la puissance, la netteté de l'attaque, la construction des breaks, la stimulation apportée à lorchestre qui sonne superbement en montrant une précision remarquable. Drumology sinspire de Louie Bellson avec l'orchestre Tommy Dorsey : la batterie ne se tient plus au service de ses partenaires mais la situation s'inverse et Guillaume Nouaux dialogue avec l'orchestre avec une virtuosité époustouflante. Incidemment, le livret montre côte à côte les photos de Chick Webb et de Louie Bellson, tous deux derrière leur batterie. Comique la différence de matériel !
L'orchestre Louis Armstrong dirigé par Luis Russell sert ensuite de modèle sur Hear me talkin to ya. Cependant que Jérôme Etcheberry tient le rôle du roi, Guillaume Nouaux fournit un soutien ardent et précis avec breaks, roulements, contretemps insistant, bien dans la lignée Big Sid Catlett. Dans un registre fort différent survient ensuite Jumpin punkins de Duke Ellington. Là, Guillaume ressuscite le jeu discret mais riche en couleurs et en nuances du fameux Sonny Greer. Duke réapparaît plus loin dans Pyramid, occasion d'un salut à Sam Woodyard dans lequel Guillaume restitue le dynamisme, la musicalité, la vigilance du fabuleux modèle. Ainsi défilent les évocations étonnamment fidèles de fameux batteurs, à commencer dans Hampton stomp par un jeu multiforme, foisonnant et fournissant un accompagnement impérieux avec violent after-beat à la Lionel Hampton. Dautres virtuoses reçoivent un hommage convaincant : dans Carioca, Buddy Rich au jeu conjuguant célérité et punch ; dans Drummin man, Gene Krupa à la grande technicité ; dans Concerto for Cozy, Cozy Cole qui swingue de façon impétueuse notamment avec des roulements exceptionnels.
Certains spécialistes négligent les effets du soliste pour se concentrer sur la production d'une pulsation au swing maximal, tel Jimmy Crawford qui se retrouve dans Mandy avec son accentuation unique du contretemps au swing irrésistible, ou encore Ray Bauduc, sur At the jazz band ball, avec un jeu plein d'aisance portant l'empreinte Nouvelle-Orléans. Enfin trois titres rendent visite à Count Basie et se réfèrent à trois spécialistes : Shadow Wilson, efficace avec légèreté dans Queer Street ; Sonny Payne à la vivacité enthousiaste dans Dinner with friends, et bien sûr le seigneur Jo Jones, archétype de l'aisance, la maîtrise, l'invention dans Swingin the blues.
PRIX RÉÉDITION 2014
DU HOT CLUB DE FRANCE
JONAH JONES
MASTERWORKS
Blue Moon - BMCD 845 à 851 et 853
PRIX JAZZ VOCAL 2014 DU HOT CLUB DE FRANCE
NIKKI et JULES
BOJAR Productions
Lets make a better world, Vous faites partie de moi, Baby what you want me to do, Angel kiss, Baby wont you please come home, Mountain blues, À quoi ça sert lamour, Look like twins, Besame mucho, Classified, Embraceable you, Hooties blues, I want to be evil, Bon appétit, La vie en rose .
Voilà une dizaine d'années nous découvrions le jeune Julien Brunetaud jouant le blues au piano de manière extrêmement prometteuse, des promesses qui, par la suite, devaient se trouver généreusement tenues. Plus récemment - La Roquebrou 2012 - Nicolle Rochelle nous révèla un talent de chanteuse (entre autres qualités) éblouissant, agrémenté dune présence exceptionnelle. Astucieusement décidée par le destin, l'association de ces deux artistes ne pouvait que fonctionner brillamment.
Le couple, sous l'appellation Nikki & Jules, utilise un répertoire très varié où le jazz tient une large place... tout comme dans leur premier CD. Nos deux chanteurs se trouvent en compagnie des excellents Bruno Rousselet, contrebasse, Jean-Baptiste Gaudray , guitare, et Julie Saury, batterie. Nicolas Dary au saxo ténor intervient dans quatre plages, cependant que Julien Brunetaud assure les parties de piano, d'orgue et, à l'occasion, de guitare dobro.
L'album s'ouvre sur Lets make a better world porté par une stimulante partie de piano et d'orgue. Julien et Nicolle chantent tour à tour puis ensemble avec une ardeur, une conviction et une fraîcheur irrésistibles, ne s'interrompant que pour laisser le piano se manifester en solo. Cette façon de procéder en chantant lun après lautre, puis en duo se reproduit sur dautres excellentes plages, comme pour montrer un partage de sentiments. Ils se retrouvent dans le fameux blues de Jimmy (et Mama) Reed, Baby what you want me to do, balancé de manière très détendue. Une belle partie de guitare, qui prend aussi un chorus, suivi d'un chorus de dobro, accompagne la partie vocale ardente, parfois fredonnée. Baby wont you please come home débute, comme la version de Bessie Smith, par le couplet hors tempo dit par Nicolle, puis sur tempo lent. Chacun y va de son chorus suppliant, Julien puis Nicolle et, après un chorus orgue-piano, ils reviennent pour un dialogue passionné.
Également sur tempo lent, Look like twins souvre sur un prenant chorus de guitare sur fond d'orgue, puis Julien et Nicolle s'expriment chacun dans un chorus sur un accompagnement de piano chargé d'émotion ; après un chorus de piano, les deux chanteurs échangent en rivalisant de flamme. En hommage à sa bienfaitrice, Joséphine Baker, Nicolle débute hors tempo puis expose Embraceable you en tempo lent. Julien lui succède en reprenant le texte enflammé à son compte avec contre-chant de Nicolas Dary qui prolonge sur un chorus en solo. Nicolle revient chantant en français, Julien survenant à mi-chorus pour donner la réplique en anglais. Hooties blues swingue, allègrement porté par une incisive partie de piano de Julien qui chante plusieurs chorus, Nicolle se contentant de fredonner et de lancer quelques vocalises. En revanche, dans I want to be evil, Nicolle intervient seule, escortée par un piano attentif.
Trois compositions personnelles figurent dans l'album : Angel kiss, pour conserver l'espoir, chanté avec conviction à deux voix ; Mountain blues, pour persister dans l'effort, chanté par Nicolle avec l' efficace soutien d'orgue, dobro et batterie ; Bon appétit, pour l'importance du savoir déguster... avec évocation du cassoulet, le délice mythique des jazzmen d'autrefois.
Nicolle Rochelle interprète également trois morceaux de variété en français. Dans Vous faites partie de moi, autre salut à Joséphine Baker, elle revient, à la fin, au texte anglais de ce titre signé Cole Porter sous l'appellation I've got you under my skin. Dans La vie en rose elle évoque Édith Piaf. Dans À quoi ça sert l'amour, Julien la rejoint pour afficher leur tendre complicité. Ces titres confirment le talent de musicien de Julien Brunetaud et de chanteuse de Nicolle Rochelle à la voix merveilleusement souple, colorée et expressive.
Ce tandem inespéré se révèle fort captivant en disque et l'intérêt croît énormément lorsqu'il se produit en direct. Les médias qui accueillent tellement de groupes consternants seraient bien inspirés d'accorder à Nikki & Jules l'attention qu'ils méritent. (A.V.)
André VASSET (Bulletin du HCF N°631 - Mai 2014 - page 18)
PRIX DOCUMENT INEDIT 2014 DU HOT CLUB DE FRANCE
LIONEL HAMPTON AND HIS ORCHESTRA 1947-1948 -
THATS MY DESIRE
Doctor Jazz DJ 012
1- Red Top, 2- Thats my desire, 3- Hawks nest, 4- Vibe boogie, 5- Muchacho azul (Blue boy), 6- Goldwyn stomp, 7- Loneliness, 8- Hamps got a Duke, 9-Midnight sun, 10- Goldwyn stomp, 11- Mingus fingers, 12- Oh lady be good, 13-Red Top, 14- Chibaba chibaba, 15- Adam blew his hat, 16- Im telling you Sam, 17- Playboy, 18- Always, 19- Dont blame me, 20- How high the moon, 21- Adam blew his hat. Bonus track : 22- Giddy up .
Il était une fois, sur les hauteurs dHollywood, une demeure abandonnée par son ancien et mystérieux propriétaire. En 2013 des travaux de reconstruction mirent au jour un réduit entièrement muré où étaient stockées des boîtes de disques acétate 78 tours comportant des enregistrements de musiques diffusées par la radio. Le lot 150 acétates fut proposé à la vente et acquis par Ben Kragting jr, éditeur de la revue des Pays-Bas Doctor Jazz Magazine, qui y découvrit les faces hamptoniennes ci-dessus et signe à leur propos un copieux livret (en anglais), exemplaire de précision et illustré de photos. Au bout du... conte, nous voici en présence démissions radiophoniques provenant de concerts publics enregistrés à Culver City, Californie, courant novembre 1947 pour la plupart des interprétations, et à Fairmont, Virginie-Occidentale, fin juin 1948 pour les quatre dernières (bonus exclu). Lionel Hampton est à la tête de sa grande formation régulière au personnel présenté comme probable mais les incertitudes sont réduites et globalement identique dans les deux séries. La qualité de restitution est soignée, suite à un méticuleux travail de restauration : certes on na pu éliminer totalement le bruit de surface inhérent au support acétate ni empêcher le son un peu cotonneux de certains ensembles, mais le parasitage nest vraiment gênant que dans How high the moon et, surtout, Giddy up (é « bonus » par antiphrase) dont létat de conservation était précaire. En raison de l'enregistrement ou des transferts successifs, il peut arriver que des interprétations démarrent abruptement, mais une seule, Playboy, reste inachevée.
La consultation de votre discothèque et de vos discographies vous rappellera que la majorité des titres de ces programmes figurent sur des 78 tours Decca gravés à lépoque, parfois avec les mêmes solistes, et réédités par la suite en LP MCA puis CD Classics : dès lors, quel intérêt présentent ces versions radio, certes inédites1 mais faisant parfois double emploi et moins bien reproduites ? Une comparaison avec les faces commerciales répond en partie à la question. Hors du studio, le vibraphoniste peut sadonner au plaisir dallonger ses propres interventions précédant les exposés orchestraux : Hawks nest débute ainsi par quatre chorus (étrangement sur les harmonies du blues) au lieu de deux, Giddy up par six chorus de blues au lieu de deux, et le double Goldwyn stomp (6 et 10) se trouve désormais introduit par trois chorus étincelants de 32 mesures. Du reste, dune façon générale, les faces radio ont une durée plus longue : les deux versions de Red Top (1 et 13) diffèrent de celle du commerce par deux (1) ou trois (13) chorus de ténor (par John Sparrow, robuste) au lieu dun seul, et de six chorus de clarinette (par Jack Kelso, véhément, mais crispant dans laigu) au lieu de deux ; dans Muchacho azul, Lionel Hampton et le ténor Morris Lane jouent chacun un chorus entier au lieu de se partager le même chorus ; pour Adam blew his hat, 24 mesures dintroduction sont ajoutées, dues à Milt Buckner (15) ou à Lionel Hampton (21). Il arrive même que le déroulement dune interprétation subisse des modifications : Playboy (de surcroît étendu à plus de 5 min) est totalement rénové et les trois chorus dHow high the moon sont distincts des deux prises Decca par un tempo moins modéré et un arrangement piano-vibraphone limité au dernier chorus2.
Le second motif dintérêt pour ces documents tient à la nature de leurs sources : lorchestre ne se produit nullement lors de concerts, mais lors de bals et le Meadowbrooks Gardens de Culver City faisait partie de ces immenses salles où se pressaient les danseurs. Lionel Hampton, artiste doublé dhomme de scène auquel la proximité du public était indispensable, est donc ici dans son élément, sélectionnant les titres propres à satisfaire une foule fervente, à lenthousiasme dailleurs perceptible.
De là cette fréquence de thèmes en tempo vif aux arrangements toniques (Goldwyn stomp de Milt Buckner), allègres et bondissants (Playboy de Billy Mackel), survoltés (Hawks nest de Milt Buckner), aux finales en crescendo (Muchacho azul de Bill Doggett, Adam blew his hat de la pianiste Dardanelle Breckenridge), aux multitudes de riffs entre- croisés (Red Top, Vibe boogie, Muchacho azul) ; on assiste même à un déchaînement de furie tout au long dun explosif Lady be good. Car Hampton savait sentourer de musiciens véloces et puissants, comme les trompettes Teddy Buckner (fougueux dans Lady be good), Leo Shepherd (audacieux dans le suraigu en clôture dAdam blew his hat), Duke Garrette (expert en sourdine wa-wa à la fin de Hamps got a Duke), mais il privilégiait les saxos ténor de la lignée Jacquet-Cobb tels que John Sparrow (rugueux dans Adam blew his hat, Playboy et les deux versions de Red Top), Morris Lane (puncheur dans Hawks nest et Muchacho azul), agiles tous les deux dans les chorus en 4/4 échevelés de Lady be good avant un chorus forcené à lunisson. Le choix des rythmiciens est tout aussi significatif, regroupant, autour de la batterie dEarl Walker (adepte du contretemps sans fioritures), la basse du jeune Charlie Mingus (percutant dans Mingus fingers), le piano insistant de Milt Buckner, les guitares de Wes Montgomery (18 à 21) et surtout de Billy Mackel, dont laccompagnement en accords (Goldwyn stomp) ou par petits riffs (Giddy up) est dune merveilleuse efficacité. Reste le chef, omniprésent, exubérant, grommelant, catalysant son orchestre, dialoguant avec les ensembles (Goldwyn stomp), inventant à linfini (les dix chorus de Vibe boogie) ou calmant le jeu le temps dun How high the moon détendu, dun délicat Midnight sun (sur le bel arrangement de Sonny Burke) et dun Thats my desire remarquable par ses variations en double-time ponctuées de breaks.
Parmi ce programme vivifiant annonciateur de louragan qui devait atteindre lEurope quelques années plus tard , on ne sattardera pas sur des titres comme Chibaba chi- baba chanté par les Hamptones et dont le sous-titre My bambino, go to sleep affiche la niaiserie, ou comme lexotique Loneliness (il se pourrait bien quHampton y double le batteur par des roulements serrés sur le tom), ou comme Dont blame me roucoulé par Herman McCoy.
Aurait-on pensé pouvoir accéder en 2014 à des inédits dHampton de près de soixante-dix ans ? Une résurrection due à Doctor Jazz le bien nommé. (J.C.)
1- Seul le second Adam blew his hat (titre 21) était paru sur LP et CD
2- Autre indice de cette liberté, la variation des tempos dun concert à lautre : celui de Goldwyn stomp, moins rapide en 6 (version supérieure) quen 10, ce qui modifie sensiblement la durée (4 min 51 / 3 min 51), celui de Red Top beaucoup plus souple et, partant, plus swingant en 13 quen 1 (4 min 31 / 3 min 49).
Jacques CANÉROT (Bulletin du HCF N°634 - Octobre 2014 - page 18)
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Laurent, Bathilde, Big boss, Rosemay, Nandy, La zouzougne, Blues en Guy Demole, La fille, New J.B., Krazoubic, Kouka libre, Reeds, Drums fantasy, Medley : I'll be proud of you, you'll be proud of me / Sweet Louisiana. .
Ce disque a été gravé le 25 mai 2011. en septet. avec des musiciens dont les noms nous sont familiers : outre Olivier Franc (saxo soprano et leader) Gilles Berthenet est à la trompette, Benoît de Flamesnil au trombone, Robert Veen au baryton la rythmique est emmenée par Jean-Baptiste Franc au piano, avec Gilles Chevaucherie à la basse et François Laudet à la batterie.
Olivier Franc s'est attelé à la lourde tâche de réaliser un album constitué uniquement, ou presque, de thèmes originaux de sa composition, hormis New J.B. signé par son fils Jean-Baptiste, et le dernier morceau réunissant deux inédits de Sidney Bechet.
D'entrée, ce qui frappe. c'est la grande homogénéité tant dans l'inspiration que dans l'écriture des thèmes, la plupart fort mélodiques. Les arrangements. de tout premier ordre, ont été écrits par le musicien hollandais Robert Veen qui tient par ailleurs le saxo baryton. Comme l'indique le titre du recueil, Olivier Franc a souhaité recréer l'ambiance des petites formations du Duke tout en y ajoutant la touche et la sensibilité Bechet.
Parmi les interprétations qui me paraissent les plus réussies, je citerai Laurent. Big boss, Rosemay, Blues en Guy Demole, La fille et le medley final l'II be proud of you... / Sweet Louisiana. Le morceau intitulé Laurent est une jolie composition, prise en tempo médium. qui bénéficie d'une belle collective avec de bons solos du pianiste et du bassiste. Bathilde est un thème bluesy au cours duquel le soprano inspiré et lyrique d'Olivier Franc intervient deux fois en solo. Big boss un des meilleurs titres. pris sur un tempo enlevé, est transcendé par un solo plein de flamme du pianiste Jean-Baptiste Franc, et tant les riffs que le phrasé staccato nous rappellent furieusement Christopher Columbus. Rosemay, La fille, Krazoubic et Reeds, sur lesquels plane l'esprit de Sidney Bechet, privilégient avant tout la richesse de la mélodie. Blues en Guy Demole, au titre facétieux, pris en up-tempo, est porté par un after-beat marqué de François Laudet, tandis que le pianiste prend un réjouissant solo et que la collective. au swing appuyé. termine tout en puissance. Drums fantasy est destiné à mettre en valeur le remarquable drumming de François Laudet, seul soliste, dont les interventions sont ponctuées de généreux riffs d'ensemble.
Olivier Franc rend un vibrant hommage à Sidney Bechet dans un medley qui marie deux compositions du maître.inédites jusque-là, I'll be proud of you... / Louisiana, traitées sous la forme d'un concerto pour saxo soprano et orchestre. Soutenu par d'harmonieux organ chords, Olivier Franc y donne le meilleur de lui-même. Le bon trompettiste Gilles Berthenet se fait apprécier tout particulièrement sur Bathilde, La zouzougne et La fille; quant à Benoît de Flamesnil. qui ne lui cède en rien, il est à son avantage dans Big boss, La fille et Krazoubic.
Saluons la prestation d'Olivier Franc, excellent de bout en bout, mais aussi celle de Jean-Baptiste Franc, pour ses remarquables qualités tant à l'accompagnement qu'en solo.
Un disque que l'on ne peut que recommander. (C.S.)
Christian Sabouret (Bulletin du HCF N°609 - Mars 2012, page15)
PINETOP PERKINS
HEAVEN'
BLIND PIG ref.BPCD 5145
44 blues, 4 o'clock in the morning, Relaxin', Sitting on top of the world, Just keep on drinking, Since I fell for you, Pinetop's boogie woogie, Ida B, Sweet home Chicago, Pinetop's blues, Willow weep for me, That's all right.
Le 21 mars 2011, le pianiste et chanteur de blues Joe Willie Pinetop Perkins nous quittait ; il allait avoir quatre-vingt-dix-huit ans et. malgré son âge, il était encore on the road peu de temps avant son décès. Avec lui disparaissait l'une des figures légendaires du blues du Delta. Sa notoriété, bien que tardive, lui avait valu l'obtention de plusieurs Grammy Awards dans la catégorie Bluesmen. Toutefois, si l'on se penche sur le déroulement de sa carrière, on ne peut que constater qu'il resta longtemps dans l'ombre de bluesmen reconnus, notamment en tant que sideman auprès de Muddy Waters et de bien d'autres. C'est donc aussi bien pour honorer sa mémoire que revaloriser son image que le label californien Blind Pig vient de publier des faces restées jusqu'à présent inédites. Elles furent gravées à New York le 24 novembre 1986. Dans la plupart d'entre elles, Pinetop Perkins joue en solo, sauf sur Just keep on drinking, Since I fell for you, Ida B et That's all right où il est accompagné par le bassiste Brad Vickers et le batteur Pete DeCoste. Par sa façon très prenante de chanter, Pinetop Perkins nous immerge dans le blues le plus authentique et, même s'il n'est pas un des plus grands chanteurs de blues, sa voix voilée, teintée de raucité. touche au plus près les racines du blues et ne peut que séduire l'auditeur dans 4 o'clock in the morning, Relaxin', Ida B ou encore Pinetop's blues. Quant à Sitting on top of the blues, c'est son vieux compagnon de route, le batteur Willie Big Eyes Smith. qui le chante avec un joli feeling ; il s'agit d'un blues lent où Pinetop Perkins déroule au piano des phrases bien senties et parsemées de notes bleues. Les faces en trio swinguent allègrement, en particulier Just keep on drinking et Since I fell for you, le succès de Buddy Johnson, ce dernier thème chanté avec conviction par Otis Clay. Pinetop Perkins roule de belles basses et chante avec punch le fameux Pinetop's boogie woogie qu'il affectionnait tout particulièrement et qui lui valut son surnom de Pinetop (de là parfois une certaine confusion quant à l'auteur du morceau qui, en fait, est Clarence `Pinetop' Smith). Atmosphère très groovy sur Ida B où le vocal de Perkins est bien souligné par l'harmoniciste Mike Markowitz et le guitariste Tony O. Sweet home Chicago est de bonne facture et son rolling piano remarquable sur Pinetop's blues. Ne disait-il pas : J'ai pour habitude de rouler les basses comme le tonnerre? La version de Willow weep for me est tout à fait surprenante : Pinetop Perkins interprète le thème staccato, tout en martelant les basses. et transforme cette jolie ballade en un blues parfaitement maîtrisé et fort réussi. Un disque de blues de grande cuvée, millésime 1986. À ne rater sous aucun n rétexte. (C.S.)
Christian Sabouret (Bulletin du HCF N°612 - Juin/juillet 2012, page 18)
BLUES DE PARIS
MOVE IT !
Autoproduit - Le Baron 75003/1
Broken wrist, Cavalaire stomp, Barrelhouse blues, Sliding boogie, Rainy day boogie, You gotta move, Big mama's running, Slow train, Just because, In-go stomp, Workin' man boogie, Cocotte boogie, Blues oh blues, Rumba boogie.
Lorsque François Fournet, talentueux guitariste passionné de blues, rencontra Christian Ponard, autre guitariste présentant les mêmes symptômes, ils se retrouvèrent, embusqués derrière leur guitare, pour se livrer aux joies du duo fraternel. L'exercice se révéla si convaincant que, pour en renforcer l'efficacité, les deux complices accueillirent un autre duo, rythmique cette fois, bassiste et `drummer'. Ainsi naquit, en 2005, Blues de Paris dont le premier album, enregistré peu après, se révéla une bonne réussite signalée par une chronique du Bulletin 560. Vient de paraître le second album du groupe, datant de décembre 2011, qui se révèle plus remarquable encore. Même si les références à certains maîtres ès blues demeurent, la part de thèmes signés François Fournet devient importante dans ce nouveau recueil qui présente une réjouissante variété. Il débute avec Broken wrist, conjurant la catastrophe accidentelle qui, l'an dernier, brisa les deux poignets du chef. La musique nous rassure immédiatement, les deux mains fonctionnent à merveille et la guitare développe calmement son discours passionnant avec une sérénité et une décontraction totales en s'appuyant sur l'impitoyable pulsation de la contrebasse d'Enzo Mucci et de la batterie de Simon Boyer. Sur un tempo semi-lent voisin, Slow train sonne tout aussi superbement, mais dans un climat complètement différent. Plusieurs titres, tous dus à François Fournet, se déroulent de manière emballante sur un tempo plus ou moins vif, à commencer par Cavalaire stomp où la guitare enchaîne les phrases élégantes et les rifs impérieux balancés avec un swing irrésistible. De même, Rainy day boogie swingue furieusement, propulsé par la batterie et surtout la contrebasse avec une impulsion extraordinaire. La guitare se montre particulièrement mobile, captivante et insistante dans Workin' man blues, avec batterie bien en évidence : laconique et terriblement efficace dans Big mama's running, toujours avec rythmique euphorique ; exubérante dans Cocotte boogie ; éloquente dans Rumba boogie où les chorus s'alignent avec aisance et brio. Christian Ponard se trouve en vedette sur Sliding boogie dans lequel, avec enthousiasme, il chante en scat et utilise le slide comme le titre l'indique. Dans You gotta move, il interprète avec émotion ce blues en tempo lent de Fred McDowell d'un ton accablé, résigné. Trois plages sont chantées brillamment par Gabi Schneider, qui possède une voix fort expressive, au parfait timing et d'une décontraction confortable. Elle salue Ma Rainey dans Barrelhouse blues au feeling rayonnant et aussi dans Blues oh blues (seul titre enregistré antérieurement) à l'accent nostalgique. Dans un registre différent, Just because, au ton enjoué, swingue plaisamment, toujours avec l'assistance attentive d'un entourage rebondissant. En deux mots : superbe album ! (A. V.)
André Vasset (Bulletin du HCF N°612 - Juin/juillet 2012, page16)
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